[CRITIQUE] CA$H NEXU$: revers de fortune

Porté par des compositions visuelles élaborées qui confirment la grande maîtrise formelle du cinéaste, CA$H NEXU$ possède son lot de moments forts, mais reste un exercice de style un peu aride.

Evelyne Brochu et François Papineau dans CA$SH NEXU$ (les deux comédiens sont atablés, et regardent fixement, droit devant eux)

Evelyne Brochu et François Papineau dans CA$SH NEXU$ – Photo Anouk Lessard / Fragments Distribution

Avec son septième long métrage, François Delisle a visiblement l’intention de marquer les esprits. De fait, CA$H NEXU$ offre une illustration radicale de la détresse individuelle, familiale et sociale, tout en dressant un portrait sans compromis de la corruption des rapports humains, dont la pureté originelle semblerait s’être évanouie sous les effets de l’argent-roi. Sombre, le regard que porte l’auteur sur le monde qui nous entoure donne lieu à une Å“uvre complexe – pour ne pas dire casse-cou – qui possède son lot de moments forts, montrés frontalement, en plus de permettre aux comédiens de briller dans des rôles dont le destin est étroitement lié aux seules apparences.

Cela dit, si l’on a aucun mal à embrasser les idées du cinéaste, et même à accepter jusqu’à un certain point son jusqu’au-boutisme, sa vision du désespoir peine à s’accorder avec l’atmosphère futuriste qu’il nous propose. Les allures post-apocalyptiques, presque New Age, ont plutôt tendance à alourdir l’ensemble, à le rendre esthétisant, et, en fin de compte, à nuire à sa crédibilité. Lumières froides, rues désertes, personnages métaphoriques, finale déstabilisante, etc., autant d’éléments qui créent une rupture avec le vérisme de la prémisse et qui semble vouloir indiquer le chemin d’un ailleurs dont on ne saisit pas toujours les objectifs. D’où l’impression d’être devant un objet hybride, tiraillé entre ses différents pôles d’attraction visuels ou narratifs. En outre, la révélation entourant la disparition de la mère est vite fournie au spectateur, ne laissant que peu de place à l’imagination. Ténu, cet enjeu de tous les ressentiments devient alors répétitif, et soutient difficilement les 135 minutes que dure le film.

Ce que je retiendrai, c’est avant tout la scène – longue et pénible – du repas en famille, véritable pivot marquant, empreint d’une force et d’une justesse remarquables. Également, j’ai trouvé plutôt captivant le parallèle entre l’appareil respiratoire du père et la seringue du fils, montrés comme des moyens de rester en vie. Porté par des compositions visuelles élaborées, des cadrages précis et des plans inusités de Montréal, CA$H NEXU$ est un exercice de style audacieux, certes un peu aride, mais qui confirme la grande maîtrise formelle du cinéaste.

CA$H NEXU$ – Québec, 2019, 2h15 – Deux frères aux destins opposés se retrouvent autour de leur père mourant. Le fantôme de la mère, disparue depuis trente ans, force la confrontation – Avec: Alexandre Castonguay, François Papineau, Evelyne Brochu, Guy Thauvette – Production, scénario et réalisation: François Delisle – Distribution: Fragments distribution

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