Après Ian Lagarde, Jeanne Leblanc et Pascal Plante, Sophie Dupuis ajoute sa signature au bas de la liste des révélations québécoises de 2017-2018. À l’instar de ses collègues, elle livre avec Chien de garde un premier long tout à fait en adéquation avec ce que l’on s’attendait à recevoir après ses courts métrages. Baignée dans les tons ocre-rouges de l’impeccable photographie de Mathieu Laverdière, sa chronique sociale sombre s’appuie sur les ressorts dramatiques du film à suspense pour avancer dans un univers réaliste évitant la caricature. C’est bien la première des qualités de ce film que de se référer à un pur cinéma de genre pour mieux nourrir son drame familial. En ce sens, le misérabilisme n’a pas d’espace pour s’installer puisqu’il est sans cesse ramené au développement d’un sordide règlement de compte entre « gentil » et « méchant ».
La construction adroite de cette spirale infernale nous fait vite prendre conscience de la fragilité de cette famille, seulement soutenue par son « chien de garde ». Dès les premières images, on sent que cet équilibre fragile ne peut perdurer. Le récit tire lentement les fils de sa toile, avec une dose de fatalisme (l’alcool et la mère) et d’impuissance (le manque de ressources de la mère, l’emprise de l’oncle). L’orage pressenti arrivera plus tard, cédant la place – comme le beau temps après la pluie – à un dernier tiers plus posé, moins anxiogène, mais aussi un peu plus conventionnel. Alors que l’attention se transfère progressivement de Vincent vers son frère et sa blonde, l’espoir de jours plus sereins renaît, gardant quand même intact son lot de questions sans réponse.
Outre sa maîtrise narrative, Dupuis fait une confiance absolue à un quatuor d’interprètes parfaitement dirigés, avec en tête, le captivant Théodore Pellerin, troublant, énigmatique, prêt à exploser à tout instant. Il est secondé par la fragilité de Maude Guérin, dans l’un de ses meilleurs rôles en carrière et par le calme renfermé de Jean-Simon Leduc. Certes, quelques pistes peu exploitées (le cours d’électricien de JP, les textos de Dany, la montre de JP) et une finale un peu appuyée laissent dubitatifs. Mais au final, Chien de garde demeure l’un des films québécois les plus intenses depuis des lustres, dont les nombreux temps forts resteront gravés longtemps en mémoire. Voilà pour Sophie Dupuis une entrée en matière de très bon augure pour la suite.
Note : 3,5 / 5