Avec Le cyclotron, Olivier Asselin continue à façonner des univers oniriques forts dans lesquels la quête de conscience se forge à la croisée de la science, de la création artistique et de l’histoire. Après avoir traversé le temps du muet (La liberté d’une statue, 1990), voyagé dans l’Égypte ancienne (Le siège de l’âme, 1997) ou évoqué la crise de 1929 (Un capitalisme sentimental, 2008), Asselin nous transporte cette fois dans une Europe assombrie par la Seconde Guerre mondiale, sur les traces d’une découverte majeure qui pourrait changer le cours de la guerre. En puisant dans les codes et les styles du cinéma de genre, en l’occurrence le film d’espionnage, le réalisateur et sa scénariste et comédienne de toujours, Lucille Fluet, nous offrent une œuvre peut-être plus directive que les précités, mais sans doute plus accessible. On y retrouve les archétypes traditionnels : l’opposition entre un mal fourbe, incarné avec malignité par Paul Ahmarani, et un agent secret investi d’une mission de haute importance (Lucille Fluet). Pour compléter ce triangle, presque amoureux, un personnage central, torturé entre ces deux pôles (le chercheur interprété par Mark Anthony Krupa).
Comme pour brouiller les cartes, Asselin s’amuse à tester l’élasticité des frontières qui délimitent ce qui est juste de son contraire. À preuve, les contours complexes de ses protagonistes et un fort degré d’ambiguïté laissé dans l’objectif même de son intrigue, la fabrication d’une bombe, dont les conséquences seraient aussi inhumaines du côté ennemi ou allié. Comme toujours chez l’auteur, Le cyclotron propose une réflexion sur la notion de réalité et illustre une confrontation entre des continuums parallèles plausibles, que seule la plus petite des particules possibles permet de déterminer. Incarcérée dans un lieu clos filant à toute allure (le train, espace anxiogène par excellence), ce contre-la-montre haletant devient alors le moment propice où convergent des questionnements intimes sur la trahison, la crainte de l’avenir, ou encore sur l’aspect aléatoire de la vie.
Habile dans sa construction du suspense, notamment dans une première heure menée tambour battant, Le cyclotron possède en outre des effets visuels et des séquences animées par ordinateur rehaussant la direction photo de Mathieu Laverdière. Une finale inventive, offrant en parallèle des alternatives à l’Histoire, conclut cette épopée aussi introspective qu’universelle. Le film fait beaucoup penser aux drames des années 40, à la différence qu’ici, plusieurs références à la mécanique quantique, au chat d’Erwin Schrödinger, aux travaux de Lawrence ou de Thuring servent à nourrir l’intrigue, sans jamais l’alourdir. Le dosage adroit d’images d’archives ou fictionnelles donne également à ce portrait d’une époque plongée dans le chaos des allures de « thriller » épique. Voilà pour Asselin un quatrième long métrage qui confirme son statut fièrement à part dans la production québécoise. À voir.
Le cyclotron – Québec, 2016, 1h35 – Dans un train filant à toute allure, une espionne alliée essaye, au nez et à la barbe des nazis, de mettre la main sur une formule permettant de mettre au point un cyclotron – Avec: Paul Ahmarani, Lucille Fluet, Mark-Antony Krupa – Scénario: Olivier Asselin, Lucille Fluet – Réalisation: Olivier Asselin – Production: Les Films Camera Oscura – Distribution: FunFilm Distribution
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