[Critique] Déserts : voyage au bout de la vie

La force du film réside dans sa capacité à intégrer l’inconnu aussi bien dans une trame narrative ténue et dans une mise en scène travaillée. Un premier long métrage indéniablement très prometteur.

Image des comédiens Hubert Proulx, Victoria Diamond dans Déserts (Arpent Films, Les mains sales Films, 2016)

Hubert Proulx, Victoria Diamond dans Déserts (Arpent Films, Les mains sales Films, 2016)

S’extirpant des sentiers habituels empruntés par le cinéma québécois, Charles-André Coderre et Yann-Manuel Hernandez, les auteurs de Déserts, nous entraînent dans un road-trip émotionnel, une expérimentation formelle de belle facture qui profite des paysages splendides de la Vallée de la mort du Sud-est californien. Entrecroisant les destins de deux inconnus au passé évaporé et au futur évasif, ils opèrent un changement de tempo radical, pour transposer leur croisade urbaine nocturne en une odyssée éperdue, une réunion fortuite de laquelle naissent une complicité charnelle, des moments volés aux turpitudes du quotidien et à la certitude de leur fragilité. Évidemment, le drame de ce couple évanescent dans un univers inhumain n’est pas sans évoquer celui, cinquantenaire, du Désert rouge d’Antonioni, ou dans une moindre mesure, l’inédit de Pascal Payant On the Horizon [1]. À quelques reprises, on a une légère impression de déjà vu dans le portrait de ces deux âmes perdues.

La force du film réside dans sa capacité à intégrer l’étrangeté de la rencontre aussi bien dans une trame narrative ténue et dans une mise en scène aboutie. Outre un beau travail de colorisation de la pellicule, dont la granularité du 16mm s’accorde en tout point avec l’environnement sablonneux des étendues sans vie, il y a dans cette petite révélation du récent FNC une « restructuration désordonnée » du médium, démontrant une volonté assumée de ne pas « écrire » une histoire, mais de poser quelques jalons explicatifs pour que le spectateur puisse se laisser aller à construire leur propre imaginaire autour de ces deux personnages, tout en faisant parler les aspects sensoriels et émotionnels de ce corps-à-corps sensuel, comme si l’on se retrouvait dans l’intimité d’une relation de deux êtres qui vivent à la fois leurs premiers et leurs derniers instants sur terre. La symbiose entre le récit, ce que l’on peut lui attribuer de signification et l’évocation proposée par les images et les sons est somme toute joliment réussie. Par toutes ces raisons, et malgré une audience réservée à un cercle restreint de cinéphiles avertis, Déserts, s’avère comme un premier long métrage prometteur, et avec le temps, s’affirmera sans doute comme un probant témoignage d’une audace rassurante.

Déserts – Québec, 2016, 1 h 34 – Un homme décide d’aller se perdre dans le désert de la Vallée de la mort. Sur son chemin, il croise une femme qui lui propose de l’accompagner dans son périple – Avec: Hubert Proulx, Victoria Diamond – Scénario et Réalisation: Charles-André Coderre et Yann-Manuel Hernandez – Production: Guillaume Collin, C-A Coderre et Y-M Hernandez – Distribution: La Distributrice de films

Ma note: 

[1] On the Horizon (2015) – À Salt Flats en Utah et en France, on suit le parcours d’un couple, de sa passion débordante et de ses déchirures – Long métrage québécois indépendant resté inédit en salles hormis sa présentation à Fantasia 2015 – réal. Pascal Payant.

Mots clés

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

Contenus similaires

Qui sommes-nous ?

Né en décembre 2008, Films du Québec est un site d'information indépendant, entièrement dédié au cinéma québécois de fiction. Films du Québec contient les fiches détaillées des films québécois, des actualités, des critiques et des bandes annonces et bien plus.
Création et administration : Charles-Henri Ramond, membre de l'Association québécoise des critiques de cinéma.

Catégories

Archives