Critique Junior majeur : enfargé dans le réel

À force de vouloir représenter un « dramatique monde d’adultes », Junior majeur s’enfarge dans des relations stéréotypées et enfonce des portes largement mieux ouvertes par des dizaines de productions québécoises avant elle.

Antoine Olivier Pilon et Rémi Goulet dans Junior majeur

Antoine Olivier Pilon et Rémi Goulet dans Junior majeur (Christal Films Productions)

En l’espace de cinq ans, les gamins de Pee Wee 3D ont grandi et se sont débarrassés du peu d’innocence qui leur restait. Déjà le récit de ce premier opus nous plaçait assez loin merci des contes pour tous et autres comédies dramatiques de hockey et d’enfance (Les histoires d’hiver de François Bouvier). Coups bas (Joey envers Janeau), harcèlement (le « petit gros » qui en prenait plein la tronche) ou mensonges réfrénés à la dernière minute (Julie et sa commotion), on avait de ces jeunes sportifs une image assez nettement marquée par les fourberies de leurs parents. Mais malgré tout, la fragilité et l’encadrement procuré par les adultes, ou par l’entraîneur (Guy Nadon) existaient bel et bien. La crainte de voir s’effacer un rêve (Julie), la volonté sincère de « performer » (Joey), ou la douleur du deuil (Janeau), autant de nuances bienvenues qui donnaient au trio quelques marques de sincérité.

Avec l’entrée dans la LHJMQ, le portrait s’est noirci. Nous voilà résolument dans le monde des grands où le sport n’est plus qu’un accessoire. Un gars qui trahit son meilleur chum, un père qui ment à son fils pour soi-disant l’encourager, un journaliste arrogant qui vole le travail de sa stagiaire. Ah oui, et tant qu’à y être, pourquoi pas de l’alcoolisme héréditaire, et des flics qui ne font pas leur job. Junior majeur a échangé la patinoire pour les stéréotypes. Le récit patine de tromperie en saloperie, brise les cœurs à qui mieux mieux, et s’enfonce dans les ténèbres d’une représentation sociale agrémentée de vitriol.

Le problème ici c’est que, en plus d’une mise en images sur pilote automatique, les rebondissements sont prévisibles, les dialogues sont au mieux très faibles et les personnages se vautrent dans leur grossièreté. Et le tout, sans une once d’émotion. Cette poutine dramatique à l’envie sonne d’autant plus faux qu’elle se résout d’un petit épisode de remords sincères et de quelques rondelles dans le filet adverse, bien entendu. Car au fond, peut importe que tu sois un salaud mon fils, pourvu que tu marques des buts, tout te sera pardonné. Et tu auras droit à une conclusion désarmante de facilité, indiquant habilement la possibilité d’un troisième opus. À force de vouloir sonner « vie d’adultes », Junior majeur s’enfarge dans des relations familiales et sociales… et du même coup, enfonce des portes largement mieux ouvertes par des dizaines de productions québécoises avant elle.

Junior majeur – Québec, 2017, 1h55 – Janeau, Julie et Joey sont devenus adultes. Alors que la LNH se précise, le trio se retrouve aux prises avec un monde d’adultes tourmenté par les trahisons et les tricheries… – Avec: Antoine Olivier Pilon, Remi Goulet, Alice Morel-Michaud – Scénario: Emmanuel Joly, Martin Bouchard – Réalisation: Éric Tessier – Production: Christal Films Productions – Distribution: Les Films Christal

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