Tous les éléments chers à Xavier Dolan se retrouvent dans Juste la fin du monde, sixième long métrage qui pour la première fois aura suscité autant de passions, allant des réactions les plus dithyrambiques, aux remarques les plus acerbes. S’il y a peut-être consensus, c’est au niveau de la mise en scène, qui parvient dès les premières minutes à sublimer le huis clos. Dolan excelle plus que jamais à magnifier ses comédiens, aidé en cela de son directeur photo André Turpin qui trouve les cadrages exacts pour illustrer les silences et les tensions. Ses gros plans alternent plongée et contre-plongée, analysent les profils, capturent les moindres tressaillements des visages, les plus infimes changements de regards. L’image révèle ainsi toute l’incommunicabilité d’un moment hors du temps dans lequel chacun reste isolé dans son univers, incapable de témoigner de qu’il ressent, ne sachant que faire de ce contact inattendu avec l’autre.
Depuis l’engueulade téléphonique d’Anne Dorval dans J’ai tué ma mère, Dolan a abondamment utilisé des caractères trempés, plus grands que nature, animés par le désespoir ou la révolte, en les faisant se confronter avec le mutisme et à la résignation. Dans Mommy, la gouaille banlieusarde de la comédienne répondait à la timidité de Suzanne Clément, tandis qu’ici Nathalie Baye se retrouve face aux non-dits de sa bru (Marion Cotillard) et à l’indifférence de Louis son fils honni (Gaspard Ulliel).
Or, si par le passé cette exubérance puisait une part de sa justification dans une trame dramatique forte, Juste la fin du monde se cantonne dans un registre qui s’avère plus restreint. À peine passé le pas de la porte, Louis est submergé par les flots incessants de quolibets, de chicanes ou de récriminations de la part d’une famille qui ne lui ressemble pas et qui lui refuse toute notion de liberté. À l’instar de la virée en voiture des deux frères, cet arsenal ahurissant de coups de gueule surchargés (datés France années 90) plaira sans doute à certains, mais s’avouera vite rébarbatif aux yeux de certains autres. Cela a été notre cas.
Certes, l’incapacité de communiquer est le seul véritable point commun qui anime les personnages. Mais une telle surenchère, incarnée comme à l’habitude chez Dolan par des protagonistes à la limite de la caricature – et le fait que leur relation n’évolue presque pas durant tout le déroulement du film – fragilise l’acceptation de l’ensemble (le couple Cassel/Cotillard qui joue sur des niveaux radicalement opposés au risque de perdre un peu de leur crédibilité). Sur une note plus retenue, Léa Seydoux et Marion Cotillard proposent des prestations moins arides.
Au final, en dehors d’une très brève scène de rapprochement entre le fils et sa mère et du flashback du jeune amant, le ton reste uniformément scotché dans l’affrontement direct, dans la prise de bec et le reproche, sans que rien ne puisse l’en séparer. Une heure et demie étouffante que rien ne vient alléger, d’où émerge un net sentiment d’avoir été tenu à l’écart de cette froide réunion dominicale, dans une ambiance hystérique qui n’offre que très peu de répit. Malgré tout cela, par sa la maîtrise de sa réalisation et la précision de sa direction d’acteurs, Juste la fin du monde est sans doute le film le plus abouti de Dolan.
Juste la fin du monde – Québec-France, 2016, 1h37 – un jeune homme ayant en grande partie coupé les ponts avec sa famille revient douze ans plus tard pour leur annoncer qu’il va mourir – Avec: Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Marion cotillard, Vincent Cassel, Léa Seydoux – Scénario et Réalisation: Xavier Dolan – Production: prodfilm – Distribution: Films Séville
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