Malgré une campagne promotionnelle de King Dave très largement axée sur sa technique atypique, signalons d’emblée que King Dave n’a rien d’un précurseur en la matière puisque David La Haye a déjà démontré l’intérêt de la chose (mais aussi ses limites) dans J’espère que tu vas bien en 2012 et J’espère que tu vas bien 2 en 2014. Certes le plan-séquence est irréprochable et pousse plus avant le concept utilisé par La Haye, notamment avec l’intégration de changements de costumes en cours de plan ou sa gestion de l’espace et des déplacements particulièrement remarquable. Au point qu’on a du mal à croire à un tournage en temps réel.
Et si cela est à mettre au crédit de l’originalité, cela pourrait aussi être la première limite du film de Grou, d’autant plus que la prise de vue s’est déroulée dans un délai très court (en une nuit), alors qu’il représente une période fictionnelle bien plus longue (quelques jours ou quelques semaines). Accaparés par la prouesse technique, la fluidité des changements de lieux, des transitions bluffantes ou par le balai des personnages parallèles qui s’entrecroisent « dans un même souffle » pour reprendre l’expression consacrée, on en devient esclaves de l’image, oubliant – au moins au début – de participer à l’intrigue. Un aspect « m’a-tu-vu » qui peut déplaire, j’en conviens.
Mais pour peu que le portrait de Dave soit accepté plus comme une métaphore (sa réception telle quelle est également une limite importante du film), cette histoire d’ado trentenaire verbomoteur a tout de même de quoi interpeler. La réussite de Grou et Goyette est d’avoir su rendre la technique au service de la narration. Car la folle course contre la montre de Dave, c’est aussi, en raccourci, le développement psychologique du personnage. De gamin rejeté (on le voit dans une scène (superflue) de harcèlement dans le métro) à criminel accidentel qui commet l’irréparable, sans vraiment se rendre compte de son geste. Presque par maladresse.
Non pas que sa profondeur ou que son humanité soit débordante – Goyette ne fait pas grand-chose pour rendre son Dave plus attachant qu’il ne faut et son dialogue incessant peut finir par agacer – non, mais sa signification est au fond la métaphore d’une vie qui a maturé trop vite, sans avoir réussi à tirer les leçons du passé. D’un party arrosé à une rupture banale, d’une peine d’amour à une engueulade, d’un plaisir volé au temps à une altercation tragique… le film c’est un peu notre voyage, intime, dans les souvenirs de notre propre histoire. Tout est en accéléré dans King Dave, comme dans la réalité. Quelques « pauses cinématographiques » insérées dans le récit (silences, introspection) auraient été bienvenues cependant. On en sort soufflé, mais aussi essoufflé.
King Dave – Québec, 2016, 1h37 – Un jeune homme commet une grave erreur en voulant corriger celui qui a dansé avec sa blonde – Avec: Alexandre Goyette, Karelle Tremblay, Mylène St-Sauveur, Kémy St-Éloy – Scénario: Alexandre Goyette – Réalisation: Daniel Grou (Podz) – Production: GO Films – Distribution: Films Séville
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