Empruntant la voie d’une thématique que le cinéma québécois ne cesse d’explorer, Francis Leclerc nous entraîne en cœur des souvenirs de jeunesse de son père Félix. Nous le suivons sans gêne, ravis par la qualité d’ensemble de cette reconstitution des années 20, et somme toute très sereins en dépit des embûches que le récit réserve à son héros. Immersion dans la rudesse d’un camp de coureur des bois, premiers émois amoureux, découverte de la pauvreté, et bien sûr, abandon de la chaleur du foyer familial sont au cœur de ce parcours initiatique menant vers l’âge adulte.
Le film est traversé par une sérénité constante, une sorte de bien-être qui adoucit les heurts. Élevé dans un milieu qui semble relativement plus aisé que la moyenne de l’époque, Felix a droit aux conseils avisés des adultes et puise dans leur sagesse la force nécessaire pour surmonter les écueils de son chemin vers l’inconnu. En somme, une vision rassurante de l’enfance, malgré toute la dureté environnante et les doutes entourant l’avenir. D’un point de vue technique, tout est maîtrisé. Les cadrages sont millimétrés, la direction artistique est impeccable, presque trop. Les dialogues se démarquent par leur finesse, de même que la prestation des comédiens jeunes ou chevronnés, tous adroitement dirigés. Du cinéma de belle facture qui procure son compte de gentillesse et de pittoresque.
Cependant, outre l’omniprésence d’une musique un tantinet mélancolique, quelques ralentis inutiles, en dehors de sa – très longue – scène finale, le récit a du mal à faire ressentir l’émotion. Le souffle épique manque, aussi bien dans des portraits très imperméables que dans des rebondissements exempts d’émotivité. Cela tient peut-être au fait que le scénario n’a pas l’assise assez solide pour lier ses différents rites d’apprentissage. Les épreuves s’enchaînent d’autant plus rapidement que la temporalité est très courte. On assiste alors à une suite de temps fort, alignés les uns à la suite des autres, sans qu’aucun ne soit suffisamment développé et surtout sans qu’on puisse en mesurer les marques dans l’affect des protagonistes. La séquence du cheval blessé est à ce titre symptomatique. Au final, Pieds nus dans l’aube ne souffre d’aucune lacune majeure et reste une Å“uvre plaisante à regarder, mais son ton monocorde et en fin de compte assez froid ne procure pas de réel enthousiasme.
Pieds nus dans l’aube – Québec, 2017, 1h50 – Fidèle au roman, le film relate le dernier été du jeune Félix Leclerc dans la maison familiale de La Tuque, tout juste avant qu’il quitte la région pour aller étudier à Ottawa. – Avec: Justin Leyrolles-Bouchard, Roy Dupuis, Julien Leclerc – Scénario: Francis Leclerc et Fred Pellerin – Réalisation: Francis Leclerc – Production: Attraction Images – Distribution: Les Films Séville
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