Films du Québec

Prank de Vincent Biron – de g. à d. Simon Pigeon, Étienne Galloy, Alexandre Lavigne, Constance Massicotte (prod. Art & Essai, Le Girafon, Romance Polanski – dist. FunFilm)

Après de nombreuses apparitions sur des plateaux de tournage en tant que directeur photo,  Vincent Biron signe avec Prank un premier long métrage prometteur. Pas uniquement parce que ces quatre jeunes passés pros dans l’art de youtuber la connerie sont indéniablement sincères et ont tout ce qu’il faut de non conventionnel. Mais également du fait qu’il filme ces âneries à répétition, aussi stupides qu’inutiles, dans un bordélique mélange de tonalités, allant du plus léger au plus sombre, sans idée de manœuvre et dans une débauche d’énergie créative qui, même si elle ne semble pas encore totalement maîtrisée, parvient à former un ensemble cohérent. Il en résulte une petite vue bien de chez nous, possédant une lucidité  équivalente à nulle autre, en dehors d’À l’ouest de Pluton auquel on ne cesse de repenser.

Les scénarios centrés sur la drôle de vie de nos ados sont légion et les pranks au cinéma sont loin d’être nouveaux itou. Quelque part dans l’entre-deux, Biron esquisse une détresse masquée par les conneries, une jeunesse qui se tient en gang alors que les parents ne sont plus dans le portrait et parce que l’amitié c’est plus fort que tout. Le harcèlement, le besoin de reconnaissance, une amourette d’été tangible ou imaginaire, et au fond, une solitude, une sensation de réconfort. Le passage à l’âge adulte doit emprunter ces chemins là, paraît-il.

Certes, il y a des chances que l’on porte plus d’attention un l’humour pipi-caca qui règne ici, et qui fut largement exploité lors des sorties publiques à Venise et au FNC. On dira peut-être que c’est un film de « jackasseries », un de plus, et on rangera ce petit Prank bien au chaud sur les tablettes de nos mémoires mortes. Cependant, nous avons aimé qu’au-delà de son côté franchement potache tout à fait assumé et joyeusement tourné en dérision, Biron aille se nicher dans quelque chose de plus profond, de plus intime, dans une sorte de cinéma-vérité qui ne renierait pas le Wow de Jutra toujours pertinent presque 50 ans plus tard.

Toutefois, les auteurs n’ont pas osé s’aventurer trop loin dans cette voie, oubliant certaines de leurs observations ou de leurs sous-intrigues, en laissant ces gamins à peine plus jeunes qu’eux faire leurs pitreries comme on lâcherait un chien fou sans surveillance, le rappelant à l’ordre de temps en temps. S’il fallait regretter quelque chose, ce serait dans cette volonté de ne pas assouvir entièrement son regard radical sur la solitude et l’isolement, de peur sans doute de tomber dans un autre type de film, plus classique, plus casse-gueule aussi.

Malgré tout, Prank parvient à montrer un portrait rigoureux et attachant de ce que nous sommes avec sa vision moins superficielle qu’il n’y paraît, et en tout état de cause nettement plus naturelle que bon nombre d’œuvres pontifiantes fabriquées dans le seul but de s’attirer un auditoire de moins de 20 ans. Et dans le cinéma québécois actuel, cette simplicité a un effet plus que bénéfique.