[Critique] Un paradis pour tous: gloubiboulga inoffensif

Niché quelque part entre satire sociale et brûlot anticapitaliste, Un paradis pour tous suit – dans l’esprit seulement – les traces de Papa à la chasse aux lagopèdes. On aurait aimé cependant qu’un film de cinéma ressorte de ce magma poisseux, tantôt vulgaire, tantôt roublard, jamais subtil.

Capture d'écran de la bande annonce du film Un paradis pour tous de Robert Morin (source: filmsquebec.com)

Capture d’écran de la bande annonce du film Un paradis pour tous de Robert Morin (source: filmsquebec.com)

Niché quelque part entre satire sociale et brûlot anticapitaliste, Un paradis pour tous suit – dans l’esprit seulement – les traces de Papa à la chasse aux lagopèdes (2008). Traité sur le ton de la comédie outrancière, le film offre un guide pratique de quelques moyens de contourner le fisc en relatant les péripéties de Buster Simard, un comptable foutu à la porte qui a décidé de se venger en mettant en pratique ses connaissances en la matière.

On suit donc Buster dans son tour des places fortes de l’évitement fiscal, de la Barbade à la Suisse des banquiers saoulons en passant par l’Alberta et ses pleines remplies de cowboys. Les caricatures grinçantes et les blagues vulgaires abondent, donnant au film un aspect potache boutonneux pleinement assumé. La main est lourde, très lourde. Le problème ici, c’est que la dimension « sérieuse » d’Un paradis pour tous, car il y en a bien une, ne parvient pas à s’extirper de ce magma poisseux, tantôt vulgaire, tantôt roublard, jamais subtil. Et même s’il y a quelques moments adroits (la carte des paradis fiscaux en mousse à raser) et des répliques qui font mouche (nous les banques, « nous sommes le lieu physique de l’hypocrisie »), on se questionne sur le parti-pris, tout en regrettant de n’avoir pas retrouvé la force d’un François Papineau perdu au milieu des lagopèdes et des caribous. Sans doute le web aurait été plus approprié pour rendre justice aux excès comiques de ces capsules, qui mises en format long métrage deviennent très vite lassantes.

Pourtant, Un paradis pour tous est bien assis sur une matière brute intéressante, sans doute le sujet le plus engagé que le cinéma québécois nous ait donné depuis bien longtemps. Il y a aussi un personnage central possédant suffisamment de profondeur, bercé par la désillusion et la mélancolie, regrettant sa jeunesse dorée et voyant velléités de justice sociale balayées par une réalité féroce. Et des lieux de toutes les contradictions; des paradis dorés, mais qui finalement ne sont pas exempts de misère noire eux non plus, des bureaux feutrés receleurs de l’inconscience généralisée et des chambres d’hôtel climatisées, propices aux tractations hypocrites. Bref, dans cette dénonciation anticapitaliste, il y avait un pamphlet à faire, mais le cinéaste a plutôt choisi la voie du brûlot, finalement inoffensif et plutôt ridicule. Comme le disait Talleyrand, quand un point de vue est aussi exagéré, il en devient insignifiant.

Un paradis pour tous – Québec, 2016, 1h18 – les conseils avisés de Buster Simard, ancien comptable qui cherche à sauver de l’argent de l’impôt – Avec: Stéphane Crête – Scénario et Réalisation: Robert Morin – Production: et – Distribution: Coop Vidéo de Montréal

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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