« Le silence est l’interprète le plus éloquent de la joie. » (William Shakespeare)
Comme à son habitude, Catherine Martin privilégie les silences et les mystères pour définir le cadre des relations qui unissent ses personnages. Dans Une jeune fille, lumineux parcours d’une adolescente qui choisit l’exil pour vivre seule le deuil de sa mère, la cinéaste fait une nouvelle fois preuve de son aptitude à construire des univers visuels et sensoriels hors du commun. Travaillant ses images comme des tableaux, elle sait agencer les espaces et les lieux pour qu’ils deviennent le prolongement naturel de ses personnages, à l’instar des scènes d’une superbe simplicité où Ariane Legault fait corps avec le bois, le ruisseau ou le vent, à la rencontre d’une nature éloquente.
Pour mettre en images ses compositions, Catherine Martin sait s’entourer de directeurs photos de renom. Après Michel La Veaux qui filmait Guylaine Tremblay perdue dans un havre salutaire du Bas du Fleuve, c’est cette fois à Mathieu Laverdière qu’elle a laissé le loisir de dépeindre une Gaspésie sauvage et belle, au contact de laquelle la Chantal se retrouve peu à peu. Plans séquences et lumière naturelle règnent ici en maître, réservant aux images le temps et l’espace pour nous parler, sans dialogues superflus.
Dans le rôle de la jeune fugueuse, Ariane Legault, parfaite en tout point, habite le personnage avec force et endosse avec aplomb la détermination de cette jeune femme décidée à trouver enfin la sérénité. Car si la complicité qu’elle finit par développer avec le fermier renfrogné qu’est Serge (Sébastien Ricard, épatant) est évidente, Chantal trouve l’apaisement au contact direct avec une nature dont la magnificence l’écarte définitivement de la grande ville qu’elle a quittée quelques jours auparavant.
Trois ans après Trois temps après la mort d’Anna, Catherine Martin place à nouveau la reconquête de soi au cœur de son film. Les deux œuvres partagent ce même besoin inaliénable de se raccrocher à l’autre après qu’un drame familial ait annihilé tout espoir en la vie. Tandis qu’elle doit accepter le départ de sa mère, Chantal ressent son attachement à la région bien au-delà de la photo d’une plage inconnue que lui a léguée la défunte. Mais si la beauté des lieux se suffit à elle-même pour redonner espoir et admiration en la vie, elle est aussi une affaire de lutte.
Car ici la revalorisation de soi passe aussi par la mémoire faite aux valeurs ancestrales et, de ce fait, par la conservation du patrimoine. Car la terre de ses ancêtres a bien plus de valeur aux yeux de Serge qu’une somme d’argent, aussi importante soit-elle. Retrouver ou garder sa dignité, s’unir pour mieux embrasser les incertitudes de l’avenir, tels sont les liens qui unissent Chantal à Serge quoi qu’il arrive.
Pour son quatrième long métrage de fiction, Catherine Martin signe avec Une jeune fille une Å“uvre émouvante qui bénéficie d’images à couper le souffle et qui parvient à livrer un message humaniste sur l’attachement à autrui. Un film en parfaite symbiose avec la nature et la beauté du monde qu’il dépeint.
Une jeune fille – Québec, 2013, 1h25 – Après le décès de sa mère, une adolescente fuit en Gaspésie où elle est recueillie par un fermier taciturne. Elle découvre alors les beautés environnantes et se lie d’amitié avec l’homme occupé à sauver la terre à bois de ses ancêtres – Avec: Ariane Legault, Sébastien Ricard – Scénario et Réalisation: Catherine Martin – Production: François Delisle – Distribution: K-Films Amérique
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