Après le succès de 1981 (2009), Trogi continue avec 1987 sa psychanalyse de groupe en nous replongeant dans les péripéties plus ou moins fictives de sa jeunesse et de sa famille italienne imaginée. Ricardo, fin de l’adolescence, des projets plein la tête et des cassages de gueule plus qu’il n’en faut pour apprendre la vie. À 17 ans, on imagine pouvoir monter une discothèque pour les jeunes, on espère rentrer dans le bar de Grande Allée, comme un adulte et on veut mettre définitivement un terme à l’enfance en perdant sa virginité avec la très sage Marie-Josée. Tout un programme !
Si l’humour est encore bien présent, Trogi n’hésite pas à pimenter son récit – et les sentiments qu’il procure – en alternant les moments de comédie et les scènes au ton résolument plus grave. Par rapport au tome précédent, les thèmes abordés ont gagné en drame ce qu’ils ont perdu en innocence. Une relative noirceur qui se retrouve dans les personnages de Ricardo, de Boivin, de Caron ou de Dallaire, qui affrontent désormais les mêmes responsabilités que les adultes : trouver un travail, s’orienter vers une carrière, donc faire des choix déchirants et prendre des décisions pas toujours éclairées. Mais avoir 17 ans implique aussi devoir en assumer seul les conséquences, à l’instar de cet accident d’auto (plus qu’improbable), dont Ricardo aura à porter le fardeau. Un poids difficilement supportable, que Trogi parvient à mettre en lumière de manière convaincante par le biais de la dérision.
Tout en ayant gardé certains traits de l’enfance, ces jeunes font donc preuve de plus de cynisme et de distanciation par rapport au cocon familial. Une rupture que l’on retrouve parfaitement illustrée dans une scène clé du film, celle durant laquelle Ricardo dira vertement ce qu’il pense de son père, à qui il reproche de ne pas avoir de projets. Un tournant qui constitue certes une affirmation de soi, mais qui représente aussi l’ambigüité ressentie par Ricardo, tiraillé entre les préjugés liés à ses racines (qui ne sont pas si inutiles puisqu’elles servent entre autres à se faire reconnaître par le doorman du bar) et la volonté de se trouver une place au soleil dans une société québécoise aux institutions qui ne facilitent pas toujours la tâche.
Si le portrait de l’ado et de sa famille immigrante procure sans doute les moments les plus intéressants du film, celui de Ricardo l’amoureux de Marie-Josée est plus conventionnel. Les hauts et les bas sentimentaux des deux tourtereaux s’avèrent convenus et certaines scènes tirent en longueur. La voix off de Trogi vient heureusement dédramatiser quelque peu ces effusions avec son ton caustique et enjoué.
Menant le bal d’un pas assuré, Jean-Carl Boucher, étonne par la maîtrise de son jeu, à la fois dans les registres comiques et dramatiques. Toutefois, on aurait aimé que le potentiel narratif du personnage de Nadia, la jeune sœur de Ricardo, cloîtrée dans sa chambre suite à une peine d’amour, soit un peu plus exploité.
Malgré tout, l’humour déployé par 1987 grince suffisamment (les apartés de Trogi face aux pontes du gouvernement, entre autres), tandis que des éléments plus sérieux parviennent à illustrer efficacement l’incertitude de la jeunesse à l’heure des choix et les conditions de vie d’une famille immigrante le cul entre deux chaises. Outre quelques innovations visuelles efficaces, 1987 possède une trame sonore qui ravira les nostalgiques et s’appuie sur une direction artistique toujours aussi réussie.
1987 – comédie – Québec, 2014, 1h45 – En 1987, dans une banlieue de Québec, les péripéties estivales du jeune Ricardo, qui devra affronter les affres du premier amour, la dureté du monde des adultes et quelques méfaits qu’il faudra bien assumer – Avec: Jean-Carl Boucher, Claudio Colangelo, Sandrine Bisson – Scénario et réalisation: realFilm – Production: Nicole Robert – Distribution: Films Séville
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