La dame au petit chien, nouvelle de Tchekov hautement symbolique, sert de rapprochement entre un prof d’université désabusé, quarantenaire aux yeux bleus, qui se fourvoie à l’insu de sa conjointe avec une jeune étudiante mystérieuse… Le scénario de Gurov & Anna signé Celeste Parr est proche de la pièce de boulevard.
Le film parvient toutefois à ne pas sombrer dans l’anecdote, en sachant représenter deux portraits troubles dont les démons et les solitudes finissent par se correspondre. L’obsession de l’un fait écho à la mélancolie de l’autre. Dans le rôle ingrat de la jeune indécise, presque allumeuse, Sophie Desmarais nous a semblé un peu trop distante. Quant à Andreas Apergis, il livre une interprétation tout en retenue d’un prof étouffé par ses doutes. Mais on ne saisit pas entièrement les personnages, ni la profondeur de leur relation. Notre première incertitude tient donc dans cette histoire qui ne brille en outre pas par sa crédibilité (le prof de littérature jaloux de sa femme écrivaine) ou aurait à tout le moins mérité un peu plus de finesse. Et au final, si Gurov & Anna ne parvient pas totalement à convaincre, c’est en grande partie à cause de ce scénario qui ne déjoue pas les clichés.
Sur le plan de la réalisation, le film s’en sort mieux. Ouellet avait plus de moyens et c’est visible. Plans plus léchés, caméra alerte et éclairages peaufinés sont entre autres les valeurs visuelles proposées. Le réalisateur de Derrière moi et de Camion, même dans un univers qui lui est nouveau, tire le meilleur partie des ambiances et des couleurs qui alternent au gré de l’évolution des relations de ses personnages. On commence et on termine dans le froid et le pâle (la solitude, la torpeur de l’hiver montréalais) en passant par les atmosphères plus chaudes aux tons ocres (la lecture de Mercedes dans le bar, les intérieurs).
Malgré ces atmosphères suggestives, Gurov & Anna souffre d’une relative froideur. C’est voulu, à n’en pas douter (après-tout nous sommes au beau milieu de l’hiver et les protagonistes ne partagent ni la condition sociale, ni la langue maternelle, ni la même volonté de s’aventurer dans cette relation), mais pour une histoire de passion torride et toxique, cela créé un décalage qu’il faudra digérer. À défaut de quoi, on risque de rester étranger à cette toile d’araignée tourmentée somme toute assez joliment tissée.
Gurov & Anna – Québec, 2014, 1h47 – Un prof d’université obnubilé par une nouvelle de Tchekov tombe éperdument amoureux d’une jeune étudiante. Sa folle passion l’emportera jusqu’au bout da la folie – Avec: Andreas Apergis, Sophie Desmarais, Marie Fugain – Scénario: Celeste Parr Réalisation: Rafaël Ouellet – Production: Marie Dominique Michaud, Jacques Blain – Distribution: Filmoption International
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