Films du Québec

Scratch de Sébastien Godron – De gauche à droite: Schelby Jean-Baptiste, Narra, et Maryéva Métellus – © Bernard Fougères

Si le cinéma de fiction québécois a de longue date déjà mis le pied dans l’enfer des banlieues, ce n’est que depuis peu que l’univers des gangs de rues se raconte au grand écran. Scratch suit donc les traces de quelques films récents dont l’intrigue prenait naissance dans les quartiers défavorisés de l’est de l’île de Montréal : Sortie 67 (2010) de Jephté Bastien, de Bum Rush (2011) de Michel Jetté, La ferme des humains d’Onur Karaman ou encore de Noir (NWA) de Yves Christian Fournier. Dépeignant leur environnement d’une manière naturaliste, ces films s’offraient comme des reflets d’une société en marge, à des degrés divers, mais offraient finalement des résultats assez peu convaincants avouons-le.

Pour son premier long métrage de fiction en carrière le réalisateur Sébastien Godron a pris quant à lui un pari légèrement différent et qui s’avère tout à fait osé. Certes, il pose bien son trépied dans un milieu troublé, celui du quartier Petite-Bourgogne à Montréal, certes aussi, il filme les combines, la prostitution et les règlements de comptes entre rivaux, mais il le fait par la bande, en utilisant la musique comme vecteur de la libération. À ce propos, nous ne saurions que vous conseiller de voir le documentaire Ma vie réelle réalisé en 2012 par Magnus Isacsson, qui est tout à fait complémentaire à Scratch. Le visionnement des deux films vous convaincra que, même si Godron applique bien à son intrigue un style purement fictionnel, duquel les codes du drame de guerre des clans sont bien présents, il est parvenu à filmer de manière presque documentaire les mots de la colère que ces jeunes tentent de faire entendre. Il a d’ailleurs utilisé dans certains de ses rôles-titres de véritables rappeurs et des non professionnels qui s’en sortent d’ailleurs fort bien.

La volonté de Godron de travailler et de jouer avec le style de ses images est évidente. En évitant les travers que son sujet lui tend, il renforce l’impression de véracité de ses comédiens par le biais d’une mise en abîme du cinéma dans le cinéma. La technique est classique, mais elle permet de mieux faire ressortir le caractère brut et naturel des images, ce qui convient ici parfaitement. Évitant une linéarité trop présente, Godron utilise une construction en segments distincts dont la fonction est d’illustrer trois significations différentes du mot scratch. Une autre très bonne idée donc que de nous présenter la culture hip hop dans une séquence de style clip musical (Scratch = faire tourner manuellement un 33t d’avant en arrière sur une platine), de montrer la guerre des clans et le combat pour la reconnaissance de jeunes dans un monde se délitant lentement autour d’eux (Scratch = éraflure, égratignure), et enfin, de mettre en scène dans la dernière partie (la plus faible des trois sans doute) le renouveau du héros, suite à sa prise de conscience (Scratch = départ, renouveau).

Construction adroite, comédiens convaincants, absence de pathos et de sur-dramatisation. Vraiment, on a beau chercher, rarement aura-t-on vu au Québec un film musical aussi réussi.