Maudite galette, La – Film de Denys Arcand

Invité à la Semaine de la critique au Festival de Cannes en 1972, La maudite galette est le premier long métrage de fiction réalisé par Denys Arcand. Un polar qui avait pour slogan : « Féroces face à leur destin, ils n’avaient rien à perdre! »

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La maudite galette - Le fusil de Berthe (capture d'écran ©filmsquebec.com)
La maudite galette – Le fusil de Berthe (capture d’écran ©filmsquebec.com)

Invité à la Semaine de la critique au Festival de Cannes en 1972, La maudite galette est le premier long métrage de fiction réalisé par Denys Arcand. Reposant sur une intrigue irrévérencieuse dans laquelle une famille des quartiers populaires de Montréal s’entredéchire « pour quelques dollars de plus », La maudite galette est un suspense ficelé à la façon des films noirs américains des années 40/50 auxquels il rend un hommage bien senti. D’ailleurs, il s’agit sans doute de l’un des premiers du genre au Québec à avoir utilisé les codes hollywoodiens de la narration et de la réalisation. Une approche semblable se retrouvera dans quelques autres productions québécoises – majoritairement anglophones – des années 70 : The Pyx de Harvey Hart (1973), La Gammick de Jacques Godbout (ONF, 1974) ou Born for Hell de Denis Héroux (1976), entre autres.

Dans la filmographie d’Arcand, La Maudite galette prépare le terrain à un triptyque de polars à la mode québécoise, unanimement considérés comme essentiels, dans lesquels la bêtise humaine bien de chez nous y est montrée sous divers angles. Que ce soit la classe dirigeante et la corruption des élites citadines dans Réjeanne Padovani (1973) ou l’étroitesse d’esprit du petit peuple des régions dans Gina (1975).

La maudite galette - le richard, sa "plotte" (Maurice Gauvin et Andrée Lalonde) et Ernest (Marcel Sabourin) - T'es né crotté, tu resteras crotté (capture d'écran ©filmsquebec.com)
La maudite galette – le richard, sa « plotte » (Maurice Gauvin et Andrée Lalonde) et Ernest (Marcel Sabourin) – T’es né crotté, tu resteras crotté (capture d’écran ©filmsquebec.com)

Citations Denys Arcand

La Maudite galette est une peinture de la misère québécoise sur fond de gangstérisme. Mais fabriquée en Panavision couleurs, longs plans fixes, sans timing, c’est le contraire absolu d’un film gangster. Ce qui m’intéressait, c’était notre condition d’aliénés, « nés pour un petit pain », cette condition de « crottés » en mal de la maudite galette. Car qu’est-ce qui fait que des gens qui ne disent jamais rien, qui endurent, tout à coup, en ont assez, se lèvent et tuent? Le succès d’Allô Police n’est pas un hasard. Je crois qu’appartient au monde québécois cette violence, cette horreur sourde qui surgit du fin fond de nous-mêmes et qui a éclaté massivement déjà dans le F.L.Q. (Denys Arcand, La presse, 22 décembre 1973, Perspectives, p.8)

Malgré ses références, La Maudite galette est plus qu’un film du genre. «Notre objectif en faisant ce film, précise Denys Arcand, était de présenter une anecdote en apparence conventionnelle qui satisfasse en apparence les normes du cinéma commercial, et de subvertir ces apparences à l’aide de la mise en scène, de la photographie, de l’enregistrement du son, des décors, du jeu des comédiens, etc. Nous voulions pour ainsi dire faire un film faux et vrai. Vrai dans chacun de ses détails, mais en même temps faux dans son ensemble à cause de la distance que nous avons voulu prendre par rapport aux normes du cinéma conventionnel.» (cinéma/québec, vol.2 no. 1, septembre 1972.)

Critique d’époque

La Maudite galette demeure un film très important parce qu’au-delà de l’intrigue, au-delà des personnages, il situe et interroge la condition intérieure et extérieure de notre vie nord-américaine de Québécois. L’amoralisme amusant de la dernière scène, celle où les parents d’Ernest profitent de l’argent que leur fils a volé, fait d’abord rire; mais ce rire se transforme rapidement en questions, ces questions que l’ensemble de la réalisation suscite du début à la fin. Car comme l’affirmait Arcand … « au lieu de se demander ce qui arrive aux héros et pourquoi cela leur arrive; on est amené à s’interroger sur cette société qui produit ce genre d’individus ». (Texte de Richard Gay, in. cinéma/québec, vol. 2 no 3, p. 27 (novembre 1972)

La maudite galette - le repas avec l'oncle riche (capture d'écran - ©s;filmsquebec.com)
La maudite galette – le repas avec l’oncle riche (capture d’écran – ©s;filmsquebec.com)

Office des communications sociales

L’intrigue, imaginée par le romancier Jacques Benoît, est passablement sordide, mais le traitement, froid et objectif, lui confère une certaine distanciation critique qui confine à l’humour noir. Le découpage est fort dépouillé et se concentre en de longs plans-séquences où une caméra le plus souvent statique se contente d’enregistrer l’action. Les personnages sont schématiques à l’extrême, mais l’interprétation qu’en donnent les comédiens est excellente. Coté 4. – Présenté sur un ton de charge critique, ce film schématique mais vigoureux présente l’histoire de petites gens entraînées par la cupidité dans une suite de crimes crapuleux.

Notule de l’Office des Communications sociales paru le 15 septembre 1972.

Image promotionnelle de La maudite galette - Photo Attila Dory (Coll. Cinémathèque québécoise)
Image promotionnelle de La maudite galette Marcel Sabourin (g.) et Luce Guilbeault (d.) – Photo Attila Dory (Coll. Cinémathèque québécoise)

Résumé

Roland, sa femme Berthe, leurs deux enfants et leur employé-locataire Ernest vivent à Montréal, dans un quartier populaire. Un soir, ils reçoivent la visite de l'oncle Arthur qui vit à la campagne. Oncle Arthur leur donne de l'argent, mais Roland et Berthe en veulent plus; frustré, Arthur, reprend son cadeau et part. Pour se venger, Rolland et Berthe demandent à Rosaire et Ti-Bi de les aider à cambrioler la maison d'Arthur... Le cambriolage tourne mal. Roland et Arthur sont tués et la maison passe par le feu. Ernest et Berthe s'enfuient avec le magot.

Après une dispute, le couple se sépare et part chacun de son bord. Lorsqu'Ernest arrive chez ses parents, après toute une série de mésaventures, Berthe l'attend de pied ferme et les deux fuyards s'entretuent dans une bagarre avec la police. Les parents d'Ernest prennent le magot et partent pour la Floride.

©Charles-Henri Ramond

Distribution

Luce Guilbeault (Berthe) ; Marcel Sabourin (Ernest) ; René Caron (Rolland) ; J.-Léo Gagnon (oncle Arthur) ; Gabriel Arcand (Ti-Bi) ; Jean-Pierre Saulnier (Rosaire)

Également au générique : Denys Arcand (Le détective) ; Charlie Beauchamp (L'hôtelier) ; Sophie Carrière et Stéphane Carrière (Enfants de Berthe et Rolland) ; Attila Dory (Le photographe) ; Robert Gagnon (Un client au dépanneur) ; Maurice Gauvin (L'homme aux bagues) ; Monique Gervais (La gardienne) ; Mireille Giroux (La danseuse) ; Bernard Gosselin (Un détective) ; Gaétan Lafrance (Un policier) ; Andrée Lalonde (La blonde) ; Normand Lanthier (Un 'dur') ; Jean-Pierre Légaré (Un policier) ; Julien Lippé (Le père) ; Hélène Loiselle (La mère) ; Danielle Naud (La caissière du dépanneur) ; Philippe Reynald (Le gardien du parking) ; Maurice Saint-Jean (Un 'dur') ; Serge Thériault (Un client au dépanneur) ; Suzanne Valéry (L'amie de Rolland)

Fiche technique

Genre: Film de gangsters - Origine: Québec, ©1971 - Durée: 1h45 - Visa: 13 ans et plus - Sortie en salles: 27 septembre 1972 - Images: Eastmancolor, Panavision - Tournage: Juin 1971 - Budget: 145 000$

Réalisation: Denys Arcand - Scénario: Denys Arcand ; Jacques Benoit - Production: Pierre Lamy ; Marguerite Duparc - Sociétés de production: Cinak Ltée ; avec la participation des Productions Carle-Lamy Ltée ; France-Film ; la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne - Distribution: France Film

Équipe technique - Assistants réalisateurs: André Corriveau et Monique Gervais - Décors: Jacques Methé - Montage et directrice de production: Marguerite Duparc - Musique: Gabriel Arcand ; Michel Hinton ; Lionel Thériault - Photographie: Alain Dostie, assisté de Louis de Ernsted et Michel Caron

Infos DVD/VOD

À notre connaissance, La Maudite galette n'est pas disponible en DVD au Québec, mais il a été numérisé par Éléphant.

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