Une projection spéciale du classique québécois Réjeanne Padovani réalisé par Denys Arcand en 1973 aura lieu ce jeudi soir 20 octobre à la Cinémathèque québécoise qui rendra par la même occasion le plus bel hommage possible au comédien René Caron, décédé il y a peu. Le film sera présenté par le cinéaste, qui assurera à la fin de la projection une séance de questions réponses. Le film sera présenté sur DCP dans sa version numérisée par Éléphant: mémoire du cinéma québécois.
Réflexion mêlée d’amertume envers les classes dirigeantes et la corruption, et pierre angulaire de ce qu’Arcand appelait sa « trilogie des fusils » [1], Réjeanne Padovani relate la charmante soirée mondaine d’un groupe de politiciens et entrepreneurs réunis pour célébrer l’achèvement d’une portion d’autoroute. Mais survient Réjeanne, la femme de l’un d’eux. Elle a des choses à dire et est bien décidée à ne pas se taire.
Encore d’actualité
Satire glaciale sur la corruption, Réjeanne Padovani reste encore à ce jour un magnifique exemple de cinéma politique, un genre rarement exploité dans notre cinématographie. Hypocrites et vulgaires, nos élus sont liés d’intérêt avec d’influents mafieux locaux, ils grenouillent dans la même mare d’eau sale qu’eux, tout en dénonçant vertement ces pratiques. Bâillonnement de la presse, emplois réservés aux amis, pots-de-vin, saccage de bureaux et s’il le faut assassinat des gêneurs. Le film n’a pas pris une ride, tout ça est encore bien vivant et fait écho à bien des manchettes récentes. Cependant, Arcand ne s’attaque pas qu’aux « puissants ». Car par le biais de personnages secondaires qui gravitent autour de ces mafieux (et qui n’existent que par eux), le film offre aussi une vision de la « fourberie ordinaire » qui peut se cacher chez n’importe qui. De simples agents de police ferment les yeux sur ce qu’ils savent ; des seconds couteaux observent strictement la loi du silence ; et aussi de jolies jeunes femmes, simples objets dans les mains de ces puissants… Toutes les couches sociales en prennent pour leur grade dans cette vision acérée de notre société, mise en scène par un Denys Arcand qui mettait ses tripes sur la table lorsqu’il faisait un film.
Réjeanne Padovani, un essentiel à ne pas manquer.
[1] La « trilogie des fusils » comprend les films La maudite galette (1971), Réjeanne Padovani (1973) et Gina (1975).