[Critique] Mes nuits feront écho : d’une élégante beauté

Produit avec peu de moyens, ce premier long métrage de Sophie Goyette est une ode à l’émerveillement et à l’introspection, une Å“uvre réflexive et profondément poétique qui intrigue non pas tant par ce qu’elle dit ou montre, mais bien par la résonance qu’elle provoque en nous.

C’est un voyage. Une dérive dans le temps et l’espace. Une suite de tableaux intangibles, de sensations et de ressentis. Expérience à forte teneur évocatrice, Mes nuits feront écho, est un premier long métrage casse-gueule dont Sophie Goyette se sort parfaitement, évitant les pièges du film à thèse ou du drame surécrit. C’est qu’ici, tout est aérien, à l’instar de ces nuages surplombant les montages qui fascinent Romes. Ce n’est certes pas une œuvre facile d’approche, mais certainement une de celles qui s’imposent d’emblée par leur recherche formelle, leur tempo et leur tonalité résolument à l’écart des normes.

Image tirée du film Mes nuits feront écho

Mes nuits feront écho – La mer est calme, la rencontre est silencieuse (Photo ©Sophie Goyette)

Prenant la structure d’un triptyque reposant sur le rêve et la mélancolie, le récit offre une représentation kaléidoscopique d’une élégante beauté. Au Québec, la perte de tout espoir quant à une possible carrière musicale, au Mexique, la contemplation d’une nature exubérante, et en Chine, les confidences ultimes entre un père et son fils. Trois façons de rompre avec le concret, à propos duquel on apprendra que peu de choses. La cinéaste propose au spectateur de vagabonder, au risque de l’enfermer dans une esthétique dénuée de repères narratifs, à l’image de la description très « distraite » des protagonistes. C’est qu’ici, l’intrigue – si tant est qu’il y en soit une – s’est libérée de toute attache factuelle pour se concentrer sur le lien ténu de la relation, laissant de côté le passé ou le futur. La sensation de vivre l’instant comme si c’était le dernier est ce qui unit finalement des êtres dont les échanges gardent intacte la fascination ; qu’elle soit exercée envers des lieux paisibles, un amour perdu ou une musique lancinante.

Il y a des films qui ne demandent que l’abandon. Celui de Sophie Goyette est de ceux-là. Son récit imbriqué ne s’apprivoise pas sans une part de résignation et nous transporte vers un ailleurs propice à l’épanouissement d’une forme certaine de sérénité. D’une élégante beauté, ce voyage initiatique hors du temps, à la recherche de ce que nous sommes, porte notre regard sur ce qui anime nos rêves et leur incidence sur les rencontres fortuites ou non que l’on peut faire. Certes, les liens entre les trois histoires auraient mérité d’être un peu plus tangibles (le passage du Mexique à la Chine est très brutal), et quelques longueurs se font jour ici et là. Il n’en reste pas moins que Mes nuits feront écho est une Å“uvre profondément poétique qui intrigue non pas tant par ce qu’elle dit ou montre, mais bien par ce qu’elle suggère.

Mes nuits feront écho – Québec, 2016, 1h38 – Une jeune femme rongée par une sourde mélancolie devenue trop lourde à porter rompt ses attaches et part au Mexique – Avec: Éliane Préfontaine, Gerardo Trejoluna, Felipe Casanova, Marie-Ginette Guay, Monique Spaziani – Scénario ; Réalisation et Production: Sophie Goyette – Distribution: La Distributrice de films

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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