La déroute est un drame réalisé par le cinéaste d’origine italienne Paul Tana. Il est question ici d’un italien ayant réussi en affaires mais dont la vie personnelle est minée par une femme partie très tôt, un fils trisomique, et une fille de 23 ans éprise de liberté.
Dans ce quatrième film, Tana continue de parler de ses racines, illustrant diverses facettes de l’exil et de la transmission des valeurs cuturelles. Cependant, comparativement à ses précédentes réalisations, Les grands enfants, Caffé Italia Montréal, et La Sarrasine, La déroute est une oeuvre faite de passion bouillonnante, une rupture radicale faite de tonalités plus amères. Différents aspects de l’intégration y sont montrés (l’immgirant de classe populaire, l’entrepreneur rendu aveugle par la réussite sociale, le clandestin qui veut s’intégrer), et, en corollaire, la transmission des valeurs familiales, culturelles, dans un contexte nouveau, mettant sans cesse en danger leur survivance.
Le film n’est pas évident à saisir, surtout son propos, qui peut paraître blessant, insultant même, mais qui dénote d’une volonté pour Paul Tana de dire des choses que l’on aimerait mieux ne pas entendre.
« La déroute n’est pas un film « politically correct ». Le regard posé par les immigrants sur les Québécois y apparaît parfois sévère. Mais les Québécois sont souvent mal vus par les immigrants, qui les perçoivent comme des loosers, comme un illogisme sur un continent anglophone. Bien sûr, on n’est pas censés parler de ces choses-là. Mais tant de regards gentils posés sur la réalité de l’autre isole, et chacun demeure sur ses positions. A ne jamais dire les choses, on ne les dépasse jamais non plus. Du moins, ai-je essayé à travers La déroute d’appeler un chat un chat, en y mettant un peu de sang. » (Paul Tana, entrevue Le Devoir, 14 février 1998, p. B 2)
Le 19 février 1998, veille de sa sortie en salles, La déroute avait été présenté en ouverture des seizièmes Rendez-vous du cinéma québécois, durant lesquels Tony Nardi remporta le prix de la meilleure interprétation masculine. Un an plus tard, Tana se retrouvait finaliste du prix du meilleur long métrage québécois décerné par l’Association québécoise des critiques de cinéma (AQCC). C’est Tu as crié Let me Go! d’Anne Claire Poirier qui l’avait emporté.
Malgré un tel succès critique, ce récit cinglant ne trouva pas les faveurs du public (à peine plus de 3 500 spectateurs en salles). Il s’agit à ce jour du dernier long métrage réalisé par Paul Tana.
Critiques d’époque
Au cœur de La Déroute il y a donc une série de déchirures, de rendez-vous manqués, que Tana s’applique à révéler à l’aide de situations exaspérées qui, sans répit, sautent d’un extrême à l’autre et joue constamment sur le thème de la dualité et de l’ambiguïté. De la caresse à la gifle, du français à l’italien, de l’eau au feu, de la terre aux nuages et de la vie à la mort. On le voit, le style de Tana semble vouloir tendre vers une dimension autre, plus physique, plus organique. Si le thème de l’immigration l’intéresse toujours, si ce nouveau film est une élaboration logique de son imaginaire de cinéaste, [il] prend cependant une tangente étonnante, qui va bien au-delà de la simple dimension ethnique pour tenter de rejoindre plutôt des sphères plus existentielles, universelles. (Carlo Mandolini, Séquences #195 (1998) p,33)
La déroute, à mon avis le meilleur film de Tana, va au bout de sa logique, au bout de la passion brûlante et destructrice qui lie un homme déraciné à sa fille. La tension monte avec force, fait un peu de sur-place à mi-parcours mais bascule avec assurance dans la tragédie. (Odile Tremblay, Le Devoir, 21 février 1998, p B 5)
Résumé
Après avoir trimé dur tout sa vie pour faire prospérer son entreprise de construction, Joe Aiello est, à 53 ans, fier de sa réussite. Depuis la mort de sa femme, il veille seul sur ses deux enfants, Nuccio, un garçon handicapé mental, et Bennie, une jeune femme de 23 ans assoiffée d'amour et de liberté. Les relations sont loin d'être faciles entre le père et la fille. Quand elle s'enfuit sans laisser d'adresse pour échapper au joug paternel, Joe perd le contrôle et s'enfonce dans la déroute la plus totale. (BAC-LAC)
Après plus de trente ans en sol Canadien, Joe Aiello est devenu un entrepreneur prospère du milieu de la construction. Très fier de sa réussite, il diffuse autour de lui une aura de prestige. Mais au fond, sa vie personnelle le ronge. Depuis la mort de sa femme, il élève seul ses deux enfants, Nuccio, un garçon handicapé mental, et Bennie, une jeune femme de 23 ans assoiffée d'amour et de liberté. Après qu'elle ait obtenu son diplôme de HEC, il lui a d'ailleurs promis un avenir grandiose.
Mais l'amour inconditionnel de l'un et la soif de se faire une place par elle-même de l'autre, les relations sont loin d'être faciles. Alors quand Bennie prend le large pour épouser en paix un immigrant clandestin, Joe perd complètement la tête et s'enfonce irrémédiablement dans la folie.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Tony Nardi (Joe Aiello), Michèle Barbara Pelletier (Bennie), John Dunn-Hill, Hugolin Chevrette-Landesque (Nuccio) (crédité Hugolin Chevrette), Richard Lemire, Pierre Lebeau (le détective), Manuel Aranguiz, Tony Conte (Mike), Frank Crudele, Maria Buggè
Fiche technique
Genre: drame - Origine: Québec, 1998 - Durée: 1h50 - Langue V.O.: Français, Italien - Visa: 13 ans et plus - Première: 19 février 1998, Rendez-vous du cinéma québécois - Sortie en salles: 20 février 1998 sur 3 écrans à Montréal et banlieue - Tournage: pendant 25 jours de la mi-mai à la mi-juin 1997 à Montréal - Budget approximatif: 1,8 M$
Réalisation: Paul Tana - Scénario: Paul Tana, Bruno Ramirez, Tony Nardi - Production: Marc Daigle, Bernadette Payeur - Productrice déléguée: Muriel Lizé - Société de production: ACPAV avec la participation financière de Téléfilm Canada, SODEC, crédits d'impôts fédéraux et provinciaux - Distribution: Lions Gate Films
Équipe technique - Costumes: François Barbeau - Direction artistique: Mario Hervieux - Montage images: Yves Chaput – Montage son: Sylvain Bellemare – Musique: Pierre Desrochers - Photographie: Michel Caron - Prise de son: Yvon Benoît
Infos DVD/VOD
La déroute n'a jamais été distribué commercialement en format DVD au Québec. Il est cependant disponible en VOD grâce à Éléphant, mémoire du cinéma québécois.