Avec Pour vivre ici, Bernard Émond continue de jouer une partition familière, centrée sur le deuil et la reconstruction. Il nous livre un récit sensiblement similaire à celui de La Donation et reprend un schéma qui s’apparente à celui du Journal d’un vieil homme. Ce nouveau film évolue donc en terrain connu, sans bouleverser ce que l’on savait déjà des thèmes et de la démarche chers à l’auteur. La douleur de Monique ne trouve aucun écho chez ses enfants, empêtrés dans le quotidien, le rythme de la grande ville, les affres d’un divorce ou de métiers accaparants. Le regard d’Émond sur ces trentenaires stressés est plutôt réprobateur. L’isolement, la fuite en avant, reste pour elle le seul moyen de se retrouver. Comme dans ses drames précédents, Émond isole de nouveau son personnage central pour mieux le figer dans un univers parallèle, en décalage permanent avec le monde contemporain.
Reposant presque exclusivement sur la présence de la comédienne Élise Guilbault, qui est de tous les plans, le film bénéficie de scènes touchantes lorsqu’elle interagit avec Sophie Desmarais. Cependant, en dehors de ces quelques moments de douceur, on a du mal à être absorbé par la proposition. Outre le fait que l’émotion y est assez rare, les rôles secondaires nous ont paru soit sous-exploités, soit dessinés à gros traits, pour ne pas dire caricaturaux. De plus, le rythme lent, l’ambiance glaciale de l’hiver québécois et la distance qui sépare les protagonistes portent en eux une froideur implacable, renforcée par les regards de Mathilde dans lesquels on ressent toute la détresse d’une femme délaissée, mais finalement assez sereine. Enfin, comme cela avait été le cas dans Le Journal d’un vieil homme, soulignons le côté professoral des monologues lus en voix off qui viennent se superposer à des images déjà suffisamment explicites. Reste que la direction photo permet à l’ensemble de compenser par de très beaux plans tirant parti de la campagne prise dans les glaces, à l’instar de Monique qui devra vivre son deuil, seule, à l’écart du monde qui l’entoure.
Note: 2/5