Après un bref détour par le documentaire (La poursuite du bonheur, 1987), Micheline Lanctôt revenait à la fiction avec Onzième spéciale, son quatrième long métrage, dans lequel une femme de trente-cinq ans, mariée et mère de famille, se désespère d’être enfin reconnue comme artiste-peintre.
Ce film fait partie d’une série de téléfilms produits par quatre maisons de production québécoises (Productions Vidéofilms, Films Vision 4, Productions du Verseau, Cinéma Plus Productions), regroupées sous la bannière « Les Producteurs TV-Films Associés ». L’objectif de cette initiative inédite au Québec était de donner leur chance à de jeunes cinéastes qui n’auraient pas forcément eu la possibilité de filmer pour le grand écran. Au total, une quinzaine de projets ont vu le jour. Voir quelques-uns de ces titres. À sa sortie, le film a eu des critiques relativement favorables, relevant notamment une mise en scène visiblement plus recherchée qu’à l’ordinaire.
Je ne me suis jamais dit que je faisais un film pour la télé et même si j’ai essayé au départ de travailler en gros plans, au bout de trois jours j’en avais assez. Je me suis rendu compte qu’on pouvait y aller dans le plan large sans que le film n’y perde au change. Il suffit de tourner dans des lieux éclairés ou de rajouter de la lumière.
Citation ci-dessus, extraite du Devoir, 10 décembre 1988, p.C6
En dehors d’une projection sur grand écran au festival de Rouyn-Noranda et d’un passage aux Rendez-vous du cinéma québécois en 1989, Onzième spéciale n’a jamais connu de carrière au cinéma et ne semble pas avoir été édité en format cinéma-maison.
Je n’ai jamais voulu tourner des histoires de femmes. Ça ne m’intéresse pas de prime abord. Je n’aime pas les films â message, je n’aime pas non plus crier sur la condition des femmes, parce que je trouve que c’est sur la condition humaine qu’il faudrait crier.
Citation ci-dessus: La Presse Canadienne, Ã Rouyn-Noranda
Critiques d’époque
Par des images d’une très grande beauté comme ce visage d’Esther décomposé et recomposé en de multiples formes par un jeu de glaces, par des scènes teintées d’humour comme cette dispute Esther-Paul à voix basse, pour ne pas éveiller le petit Chariot qui dort sur les genoux de sa maman, et d’autres satiriques comme cette scène de salle de toilettes qui révèle de façon percutante l’hypocrisie de l’humain en société, Lanctôt s’avère d’une remarquable efficacité à traduire un malaise de société. (Pierrette Roy, La Tribune, 10 décembre 1988, p.B9)
Il faut souligner le travail impeccable de l’équipe technique, en particulier la direction artistique de Louise Jobin, qui utilise toutes les ressources des décors, costumes et accessoires pour créer un environnement très coloré, mis en valeur par les lumières de Pierre Mignot pour qui le 16mm n’est pas un handicap. La musique de Lorraine Desmarais ne joue pas la redondance et, heureuse surprise pour un téléfilm, ne tapisse pas la bande son mur à mur. (Yves Rousseau, Ciné-Bulles, Volume 8, numéro 3, avril–mai 1989)
Comme il est rafraîchissant d’être avec des personnages qui poussent leurs actions et leurs mots à l’extrême. Appelez ça la satire, appelez la bouffonnerie, le style est fidèle au comportement excessif d’une personne en crise. Cathartique, libératrice. L’exagération dans l’écriture, le jeu d’acteur et la mise en scène nous disent dès la première confrontation (et il y en a beaucoup) que nous somme partis pour une virée pas mal chaotique. (traduction libre d’une critique de Harriet Wichin parue dans Cinema Canada, juin-juillet 1989)
Résumé
Esther, trente-cinq ans, mariée et mère de famille, est une femme superactive. Elle rêve de faire carrière comme artiste-peintre. Aujourd'hui, elle sent l'heure venue de faire reconnaître son talent. Mais le chemin du succès est parchemé d'embûches. Les amis peintres, les anciennes camarades d'école rencontrées dix-huit ans plus tard n'ont d'attention que pour leur personne, d'intérêt que pour leur plan de carrière. Esther se heurte à un mur d'indifférence, et sa volonté de réussir coûte que coûte ne va pas sans créer quelque conflit avec son mari. Ce portrait, brossé à larges traits, dépeint une jeune femme idéaliste pressée d'«arriver» et celui, plus féroce, d'un groupe social enfermé dans sa réussite. (ONF)
Distribution
Sylvie-Catherine Beaudoin (Esther), Robert Toupin (Paul), Lorraine Pintal (Madeleine), Jean Beaudry (Guy), Colin Caroit (Charlot), Markita Boies (Sophie), André Melançon (Lezaire), Pierre Collin (Marc-André), Marie-Lou Dion (Évelyne), Anne Caron (Marie), Julie Vincent (Marie-Élizabeth), Lucie Saint-Cyr (Bernadette), Johanne Seymour (Christiane), Dominique Birand, Josée Cusson, Marcia Pilote, Andrée Pelletier, Suzanne Champagne, Louise Rinfret, Louise Bombardier, Clément Schreiber, Jean-Gabriel Lambert, Clément Richard, sylvie Gosselin, Lise Roy, Lucie Routhier, Johanne Côté, Lucille Cousineau, Renée Girard, et avec l'aimable participation de Roger Baulu
Fiche technique
Genre: téléfilm dramatique - Origine: Québec, 1988 - Durée: 1h21 - Langue V.O.: Français - Images: couleurs, 16mm, ratio: - Visa: non classé - Première: 31 octobre 1988, Festival du Cinema International en Abitibi-Témiscaminque, Rouyn Noranda - Sortie en salles: aucune - Présentation à la télé: 10 et 11 décembre 1988, Radio-Québec - Tournage: durant 18 jours, du 6 au 29 mars 1988, à Montréal - Budget approximatif: 845 000 dollars
Réalisation et Mise en scène: Micheline Lanctôt - Scénario et dialogues: Marie Perreault, Louise Roy - Production: Roger Frappier - Producteurs exécutifs: Roger Frappier, Pierre Gendron - Sociétés de production: Max Films, Les Producteurs TV-Films associés, Office national du film du Canada avec la participation financière de Téléfilm Canada, SOGIC, La Société de Radio-Télévision du Québec - Distribution: Radio-Québec
Équipe technique - Costumes, Décors et Direction artistique: Louise Jobin - Mixage: Shelley Craig - Montage images: Michel Arcand – Montage son: Paul Dion - Musique: Lorraine Desmarais - Photographie: Pierre Mignot - Son: Yvon Benoit
Infos DVD/VOD
Onzième spéciale n'a jamais été édité en format VHS ou DVD au Québec, encore moins en format numérique.