Après la chronique romantique Les faux tatouages (2017) et le drame sportif Nadia, Butterfly (2020), Pascal Plante change radicalement de registre avec Les chambres rouges, son troisième long métrage de fiction.
Centré sur un cas de « tueur sur internet », le film aborde par la bande un phénomène encore peu abordé dans le cinéma francophone. Doté de plusieurs passages insoutenables, cet intense suspense psychologique illustre le parcours d’une geek trentenaire fascinée par un criminel qui a utilisé les recoins perdus du dark web pour diffuser les vidéos de ses crimes odieux.
Un résumé qui n’est pas sans rappeler le geste de l’Ontarien Luka Rocco Magnotta, auteur en 2012 d’un meurtre horrible sur un étudiant chinois, diffusé sur internet par la suite. Plante s’en détache toutefois, en abordant la face cachée des technologies du web, ses dérives et ses addictions.
Après avoir été présenté en première mondiale au Festival international du film de Karlovy Vary en juillet, Les chambres rouges a été projeté en première canadienne lors de la soirée d’ouveture de Fantasia, où il a remporté quatre prix. Le film, intitulé Red Rooms dans sa version sous-titrée en anglais, prend l’affiche au Québec le 11 août 2023.
Notes du réalisateur
Selon l’Internet Movie Database (IMDb), on compte plus de 5000 films ou séries répertoriés sous l’étiquette « serial killer ». La fascination morbide qui leur est consacrée atteint aujourd’hui son paroxysme avec toutes les séries de « true crime » qui affluent chaque mois (semaine ?) sur les Netflix de ce monde. Pourtant, un phénomène curieusement sous-étudié, autant à l’écrit qu’en audiovisuel, est l’attirance magnétique que les femmes éprouvent pour ces tueurs. C’est immanquable : aussi abject soit le meurtrier, il se fera courtiser par bon nombre d’admiratrices (Charles Manson recevait toujours environ 20 000 lettres par année, incluant des demandes en mariage quotidiennes, jusqu’à sa mort en 2017). Et cette fascination débute dès l’arrestation du suspect. À chaque procès médiatisé, c’est inévitable: des « groupies » s’ameutent dans les salles d’audience. Et elles sont majoritairement des femmes. Mais qui sont-elles ?
La réponse est complexe et comporte plusieurs facettes, mais la question en soi fut assez obsédante pour stimuler mon imaginaire. Angoisse pandémique aidant, je suis tombé dans un rabbit hole de recherche glauque qui m’a également amené à lire sur la cybersécurité et sur les crimes technologiques. Je voulais que le tueur fictif de ce film-en-devenir soit un produit de son époque : il allait de soi de réfléchir aux nouveaux médias pour façonner son profil psychopathique.
Et puis, en préparation à ce projet, j’ai regardé beaucoup (trop) de films tordus… au point de flirter avec une apathie face aux images extrêmes que je consommais. Mais l’horreur ne se retrouve pas qu’en fiction : les bulletins de nouvelles sont bien souvent tout aussi sordides. Dans ses derniers écrits, la critique de la culture Susan Sontag disait que le flot incessant d’images violentes dans nos sociétés immunise les téléspectateurs et finit par saper leur capacité à réagir ; que cette diète quotidienne d’horreur suscite finalement de l’indifférence plutôt que de l’outrage ou même de la compassion.
Au sommet de sa « popularité », il est estimé que la vidéo du meurtre de Jun Lin par Magnotta a été regardée plus de 10 millions de fois en 24 heures. Qu’est-ce que cela raconte sur nos pulsions profondes ? Sur notre société ? Aujourd’hui, être « fasciné » plutôt que « dégoûté » par un crime odieux est plus que jamais plausible. Et que dire des médias qui « glamorisent » les tueurs à coup de surnoms et de gros titres qui stimulent l’imaginaire pour générer des clics ? Dans un monde où ils sont traités comme des rockstars, devons-nous nous surprendre de leur pouvoir d’attraction ?
Notes du réalisateur extraites du dossier de presse de Les chambres rouges fourni par Entract Films
Résumé
Kelly-Anne dort toutes les nuits dans une ruelle proche du Palais de Justice de Montréal pour être certaine d'être parmi les premiers à pouvoir entrer dans la salle d'audience où se tient le procès de Ludovic Chevalier, tueur en série qui secoue toute la province. L'homme dans la trentaine aurait kidnappé, torturé puis mutilé trois adolescentes de 13, 14 et 16 ans. Le pire, c'est qu'il aurait diffusé ses atrocités en direct sur internet, dans une chambre rouge, espace du dark web qui permet aux spectateurs de voir les vidéos, moyennant rétribution. Kelly-Anne, mannequin célibataire vivant dans une tour anonyme du centre-ville a développé au fil des mois qui précèdent une étrange fascination pour le tueur. À tel point qu'elle semble aujourd'hui complètement sous son emprise. Et si elle ne dit rien à personne, elle est très au fait de tout ce qui entoure les crimes, et en sait même plus que les avocats de la défense eux-mêmes.
Au fil du procès, elle se lie d'amitié avec Clémentine, une autre fan du meurtrier, qu'elle a rencontrée par hasard dans les couloirs du Palais. Cette dernière venant de Thetford Mines et n'ayant pas où loger, Kelly-Anne accepte de l'héberger dans son appartement high-tech, où trône Guenièvre, ordinateur surpuissant qui sait à peu près tout. Clémentine découvre alors que son hôte, froide et manipulatrice, est accro au jeu de poker en ligne, en plus d'être une spécialiste du dark web et une hackeuse hors pair.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Juliette Gariépy (Kelly-Anne), Laurie Babin (Clementine), Elisabeth Locas (Francine Beaulieu), Maxwell McCabe-Lokos (Ludovic Chevalier), Natalie Tannous (Maître Chedid), Pierre Chagnon (Maître Fortin), Guy Thauvette (Juge Marcel Godbout), Sebastien Beaulac, Frédérick De Grandpré, Stanley Hilaire, Marie-Gabrielle Ménard. Au talk-show : Charlotte Aubin, Rebecca Makonnen, Maxim Martin, Richard Turcotte
Fiche technique
Genre: suspense psychologique, horreur - Origine: Québec, 2023 - Durée: 1h58 - Langue V.O.: Français - Visa: 13 ans et plus - Première: 4 juillet 2023, Festival international de Karlovy Vary - Sortie en salles: 11 août 2023 sur 26 écrans au Québec - Tournage: automne 2022, à Montréal - Budget approximatif: -
Réalisation: Pascal Plante - Scénario: Pascal Plante - Production: Dominique Dussault - Producteur exécutif: Tim Ringuette - Société de production: Nemesis Films avec la participation financière de Téléfilm Canada, SODEC, crédits d'impôts fédéraux et provinciaux - Distribution: Entract Films
Équipe technique - Coiffures: Nermin Grbic - Costumes: Renée Sawtel - Direction artistique: Laura Nhem - Maquillages: Marie Salvado - Montage images: John Malak – Musique: Dominique Plante - Photographie: Vincent Biron - Son: Martyne Morin, Olivier Calvert, Stéphane Bergeron
Infos DVD/VOD
Disponible pour achat et location sur toutes les plateformes de vidéo sur demande à compter du 7 novembre 2023. Également disponible en format DVD et en format Blu-ray depuis le 12 décembre 2023.