Une femme respectable est le neuvième long métrage du cinéaste québécois Bernard Émond. Campé à Trois-Rivières au début des années 1930, le film relate l’histoire d’une femme délaissée qui accepte de s’occuper des trois fillettes de son mari volage.
Produit par Bernadette Payeur pour l’ACPAV, ce drame adapté de la nouvelle de Luigi Pirandello intitulée Pena di vivere cosi (Toute la vie, le coeur en peine) permet au cinéaste d’évoquer à nouveau des thèmes dont il s’est fait le défenseur depuis les tout débuts de sa carrière, à savoir la charité chrétienne, le don de soi et la résilience.
Le film est dédié à la mémoire de Jean-Pierre St-Louis, directeur photo décédé en 2020 qui avait travaillé avec Bernard Émond sur Pour vivre ici et Le journal d’un vieil homme.
Une femme respectable avait été présenté en première mondiale en juin 2023 en Allemagne. La sortie en salle a lieu le 18 août 2023.
Notes du réalisateur
Pourquoi ai-je voulu adapter ce récit de Pirandello, qui était l’un de ses préférés? À cause d’une femme. À cause de cette femme-là : Madame Leuca, devenue Madame Lemay dans mon film. À cause de son impitoyable lucidité, à cause de sa force, de sa dignité, à cause aussi de ses faiblesses. Dès le début du film, elle prédit que son mari va la quitter en lui laissant les filles qu’il a eues d’une autre femme, et pourtant elle le reprend quand même. Ce mélange de lucidité et d’aveuglement me fascine. Pirandello va au cœur des contradictions, des nuances, des mouvements de l’âme de ses personnages, ce qui les rend si riches
Ce ne sera pas la première fois, dans ma vie de cinéaste, que je « tourne autour d’une femme ». Les femmes courageuses, qui refusent d’être des victimes malgré les épreuves qui les accablent, les femmes qui prennent en main leur destin, qui aiment jusqu’au bout, me fascinent. Elles sont au cœur de mon travail. J’aime filmer les comédiennes qui les incarnent, j’aime la complexité, l’humanité et le courage qu’elles expriment. Il y a dans leurs visages et dans leurs gestes, dans ce qu’elles montrent autant que dans ce qu’elles cachent, une des raisons d’être de mon cinéma.
Il n’y a pas dans ce film, comme dans plusieurs de mes longs métrages, une alternance du proche et du lointain, du visage et du paysage. C’est très largement un film d’intérieurs, et le rôle que jouait le paysage est tenu ici par le décor. Les trois quarts du film se déroulent dans la maison de Madame Lemay, dans un décor cossu, sombre, lisse et étouffant. Ce n’est pas pour rien que Pirandello ouvre son récit par ces mots : « Silence de glace, odeur de cire sur le carrelage, fraîche candeur des rideaux de mousseline aux fenêtres, tel est depuis onze ans l’appartement de Mme Leuca. », et qu’il poursuit ensuite avec une longue description des lieux. La maison de Madame Lemay est un prolongement du personnage, qu’il représente et enferme à la fois. Ceux qui y pénètrent sont enveloppés ou rejetés par elle. Monsieur Lemay détonne dans cet intérieur bourgeois, que ses filles adoptent avec moins de difficulté, en le rendant vivant.
J’ai choisi de camper l’histoire au Québec, au début des années 1930, époque où elle a été écrite, et d’assumer pleinement la distance qui nous sépare du récit de Pirandello et de ses personnages. Je n’ai pas cherché à moderniser le récit ou à l’adapter pour l’époque actuelle, comme on me l’a proposé. C’est que pour moi, la vérité de cette histoire est à la fois datée et intemporelle. Nous serions maintenant, paraît-il, libérés de toutes les convenances de la religion, de la morale et du devoir, et de toutes les entraves à l’amour et au désir. Mais nous ne sommes pas, nous ne serons jamais transparents à nous-mêmes, et il se peut bien que les limites et les empêchements d’antan ne soient en train de reparaître sous un nouveau jour et sous des formes nouvelles. Voilà pourquoi cette histoire garde toute sa pertinence. Rien n’est simple, nous dit Pirandello : un sentiment peut en cacher un autre et nous nous leurrons souvent sur la vraie nature de nos désirs. Il n’y a peut-être pas de vérité nous dit-il, mais il y a une réalité : c’est la « douleur de vivre ainsi », comme le dit le titre italien du récit, cette douleur qui est, autant que la recherche du bonheur, la toile de fond de nos existences.
Notes du réalisateur extraites du dossier de presse fourni par Maison 4:3
Résumé
Trois-Rivières, en 1931. Rose Lemay, femme digne issue de la petite bourgeoisie locale, habite seule dans la grande maison qu'elle a héritée de ses parents. Paul Émile, son mari est parti vivre aux États-Unis, il y a onze ans de cela. Or, ce dernier, qui a refait sa vie avec une autre femme, a formulé la demande de la revoir pour qu'il puisse enfin lui demander pardon. Le curé Latreille et l'avocat de Rose qui appuient cette démarche, intercèdent auprès de l'épousa délaissée pour qu'elle fasse oeuvre de charité en acceptant de pardonner à son volage de mari. La rencontre se passe plutôt bien, mais Rose rechigne à aller plus loin. Quelques semaines plus tard, Paul Émile apporte une bien triste nouvelle : sa concubine est décédée de la tuberculose. Rose, qui n'est pas insensible malgré son apparente froideur, consent à héberger les trois fillettes que Paul Émile a eues en dehors du mariage.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Hélène Florent (Rose Lemay), Martin Dubreuil (Paul Emile Lemay), Paul Savoie (Le curé Latreille), Normand Canac Marquis (Le notaire Raymond), Brigitte Lafleur (Madame Turpin), Marilou Morin (Mary), Juliette Maxyme Proulx (Claire à 10 ans), Justine Grégoire (Thérèse à 8 ans), Thalie Rhainds (Juliette à 5 ans)
Fiche technique
Genre: drame - Origine: Québec, 2023 - Durée: 1h43 - Langue V.O.: Français - Ratio image: 1.85:1 - Tournage: durant 25 jours, du 22 février au 2 avril 2022 à Montréal (scènes intérieures) et à Trois-Rivières - Budget approximatif: 3 à 4 M$ - Visa: Général - Première mondiale: 28 juin 2023, Filmfest de Munich - Sortie en salles: 18 août 2023
Réalisation: Bernard Émond - Scénario: Bernard Émond - D’après la nouvelle de Luigi Pirandello intitulée Pena di vivere cosi (Toute la vie, le coeur en peine) - Production: Bernadette Payeur - Producteurs associés: François Bonneau, Robert Lacerte - Directeur de production: François Bonneau - Société de production: Association Coopérative des Productions Audio-Visuelles (ACPAV) avec la participation financière de Téléfilm Canada, SODEC, Fonds Harold Greenberg, crédits d'impôts fédéraux et provinciaux - Distribution: Maison 4:3
Équipe technique - Costumes: Sophie Lefebvre - Direction artistique: Caroline Adler - Montage images: Annie Jean – Photographie: Nicolas Canniccioni - Directeur musical: Robert Marcel Lepage - Son: Marcel Chouinard, Simon Gervais, Stéphane Bergeron
Musiques additionnelles : Arvo Pärt (Pari Intervallo), Fauré, Nocturne no. 9, op.97, Fauré, Nocturne no. 1, op. 33, Fauré, Thème et variations, op. 73, variation 6 , Chopin, Nocturne 21, op. post., Brahms, Fantaisie, op. 116 : 2