Dans Mademoiselle Kenopsia, le cinéaste Denis Côté suit le quotidien d’une femme occupant ses journées à surveiller la bâtisse tombée en désuétude dont elle la charge, guettant les moindres signes de vie qui apparaissent à brûle-pourpoint au détour des pièces vides et des couloirs déserts. Livrée à elle-même dans un espace jadis plein de vie, mais qui, une fois vidé de toute présence, est devenu complètement surréaliste, la « gardienne des espaces » de Côté fera quelques rencontres insolites, servant de fil conducteur à une réflexion assez large tournant autour de la vie en général, de la crainte de l’avenir, de la marque qu’on laisse sur la Terre ou du temps qui passe.
Avec ce quinzième long métrage en 19 ans de carrière, le réalisateur de Curling continue ainsi son exploration des recoins de notre monde, entreprise avec Les états nordiques (2005) et poursuivie avec Elle veut le chaos (2008), Carcasses (2009) ou Wilcox (2019). Des univers étranges, mais pourtant familiers, au sein desquels des êtres la plupart du temps esseulés se retrouvent, volontairement ou non, face à leurs obsessions, obligés de se confronter l’Autre et toujours confrontés au mystère et à l’inconnu.
Tourné en quelques jours avec un budget dérisoire dans des institutions religieuses abandonnées de Pierrefonds et Saint-Hyacinthe, Mademoiselle Kenopsia évoque les huis clos que l’on a tous connus durant la pandémie de COVID-19, mais fait surtout référence à l’urbex, activité clandestine à la popularité grandissante consistant à investir et explorer des sites urbains désertés, où la nature reprend tranquillement ses droits.
Projeté en première mondiale au Festival international du film de Locarno en août 2023, Mademoiselle Kenopsia a été montré en première nord-américaine au Festival international du film de Toronto (TIFF). Il a été présenté dans plusieurs festivals internationaux, au Mexique, en Autriche, au Brésil, en France, en Grèce ou encore en Allemagne. Projeté en première québécoise aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), le film prend l’affiche le 8 décembre à Montréal, Québec et Sherbrooke.
Notes du réalisateur
Après Un été comme ça, j’ai voulu trouver un projet à la mesure de mon état de santé limité. Aussi, pendant la pandémie de coronavirus, nous avons tous expérimenté des moments de réclusion, de confinement ou d’isolation. Nous passions beaucoup de temps dans les mêmes endroits. J’ai l’impression que, dans nos esprits, les espaces étaient devenus purement fonctionnels. Ça n’avait plus d’importance qu’ils soient propres, beaux, nouveaux ou bien pensés. Nos milieux de vie étaient au mieux utilitaires, et au pire en survivance. Je crois que cette violence des espaces, doublée de la lenteur de plus en plus marquée de mon corps m’ont amené à m’intéresser à ce projet. Dans le prolongement de cette idée, nous espérons parfois que nos appartements et nos environnements trouvent une nouvelle vie, en termes de définition ou de fonction. J’ai brodé autour de ce désir et de ce qu’on appelle aussi les espaces liminaux. Dans un monde liminal, nous projetons beaucoup de nous-même ou une version quasi fantomatique de soi, égarée entre éveil et rêve. Et l’idée de transition voisine plusieurs états de mélancolie ou d’angoisse.
Kenopsia est un nouveau mot (non homologué) qui, depuis quelques années, décrit ces espaces abandonnés ou fermés qui eurent une vie trépidante; des lieux où jadis convergent les gens pour des usages divers. On parle d’un centre commercial fermé, d’une vieille bibliothèque en travaux, d’une piscine municipale sans baigneurs : des endroits qui, vidés de leur public, provoquent la Kenopsia : une mélancolie ou une anxiété accentuées par une présence de l’absence. J’ai eu accès à quelques-uns de ces lieux qui cherchent une nouvelle vocation. Avec le directeur-photo, en travail de lumière naturelle, notre approche fût souvent purement géométrique afin de travailler la lumière naturelle. Nous sommes très peu intervenus sur ce qui était déjà figé dans la mémoire des espaces. Nous voulions nous-même vivre quelque chose d’un peu fantomatique. Philippe Leonard est venu souligner plusieurs de ces moments avec des projections en 16mm sur les surfaces. Nous avions l’impression de réveiller ou d’invoquer quelque chose.
Notes du réalisateur extraites du dossier de presse de Mademoiselle Kenopsia fourni par h264 Distribution
Résumé
Une femme seule surveille une bâtisse ancestrale désertée, peuplée uniquement de vieux mobilier disparate, de rideaux défraichis et de tableaux poussiéreux encore accrochés aux murs. À l'écoute des moindres sons, la gardienne attentive passe en revue son lieu de vie, tentant d'y dénicher la moindre présence. Pour tuer le temps, elle donne quelques coups de fil à des interlocuteurs invisibles. Au détour de ses déambulations dans les couloirs, elle fait aussi des rencontres impromptues, telles celle avec une femme venue fumer une cigarette en sa compagnie, ou celle d'un électricien de passage occupé à installer une caméra de vidéo-surveillance. Et au bout du chemin, une mystérieuse femme habillée chic qui a des révélations à lui faire.
©Charles-Henri Ramond
Distribution
Larissa Corriveau, Evelyne de la Chenelière, Olivier Aubin, Hinde Rabbaj
Fiche technique
Genre: essai - Origine: Québec, 2023 - Durée: 1h17 - Format tournage: UHD - Ratio images: 1.85:1 - Langue V.O.: Français - Visa: Général - Tournage: août 2022, pendant 8 jours, à Saint-Hyacinthe, Pierrefonds et Montréal - Budget approximatif: moins de 20 000 dollars - Première: Locarno Film Festival, août 2023 - Sortie en salles: 8 décembre 2023 sur 4 écrans au Québec
Réalisation: Denis Côté - Scénario: Denis Côté - Production: Guillaume Vasseur, Denis Côté, Vincent Biron - Productrice associée: Gabrielle Tougas-Fréchette - Société de production: Voyelles Films avec la participation financière de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), du crédit d’impôt remboursable pour la production cinématographique et télévisuelle québécoise et le crédit d’impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, et avec le soutien de Post-Moderne - Distribution: h264 Distribution
Équipe technique - Artiste visuel - projections 16mm: Philippe Léonard - Conception sonore: Terence Chotard - Mixage: Stéphane Bergeron - Montage images: Terence Chotard – Musique non originale: Potochkine - Photographie: Vincent Biron - Prise de son: Jean-François Caissy
Affichiste : Nikolina Radulovic Velic