Adam change lentement est le premier long métrage de Joël Vaudreuil, artiste multidisciplinaire indépendant (et musicien au sein de plusieurs groupes, dont Avec pas d’casque) auteur de courts métrages remarqués tels La récréation du midi (2009), L’enfant aux six hot-dogs (2011), La vie magnifique sous l’eau (2015) et Le courant faible de la rivière (2013), qui a été présenté dans plus d’une centaine de festival à travers le monde en plus de recevoir le Jutra du meilleur court métrage d’animation.
Le film suit le parcours d’Adam, un garçon de quinze ans qui doit composer avec les moqueries malveillantes de son entourage en raison d’un physique plutôt ingrat. Dotée d’un style graphique qui fait penser aux pitreries de Beavis and Butt-Head, cette chronique estivale aussi bienveillante qu’ironique aborde les affres de l’adolescence, à la manière de Flashwood ou de À l’ouest de Pluton, mais en version animée.
Présenté en première mondiale au Festival international du film d’animation d’Annecy en 2023, Adam change lentement (When Adam Changes en version avec sous-titres anglais) a connu un beau parcours dans une vingtaine de festival, se méritant le Grand Prix au Festival International d’animation d’Ottawa, en septembre 2023, et le Grand Prix au Festival international du film d’animation de Niigata au Japon, en mars 2024. Adam change lentement sort en salle le 29 mai 2024 en France et en Belgique. Au Québec, la sortie est programmée pour le 7 juin.
Entretien avec l’auteur
Le thème de l’adolescence est une récurrence chez vous. Qu’est-ce qui vous intéresse particulièrement dans cette période de la vie ?
L’adolescence est une période d’apprentissage du quotidien et de l’autre, où l’on se rend compte de choses absurdes, qui ne fonctionnent pas, sans arriver à mettre en mots ce qui se passe. Chez les adolescents, tout est décuplé en ce qui concerne les sensations, mais aussi l’incompréhension, et c’est ce qui m’attirait. J’ajouterais que la plupart de mes personnages principaux sont des observateurs. Ils ne sont pas nécessairement dans l’action, ils ne prennent pas part à un récit épique en devant jeter un anneau dans un volcan, ce sont des gens qui observent et sont confrontés constamment à l’incompréhension, à la stupidité et à a brutalité banale. Ça crée de beaux conflits, de belles situations où chaque personne a une lecture différente d’une même situation.
Vous aimez dépeindre les milieux populaires
J’ai imaginé ce film en m’inspirant de moi, à l’adolescence. Vous savez, j’ai grandi à la campagne, mon père travaillait dans une usine de métal. C’est ce que je connais, je ne me verrais pas écrire un film à la Wes Anderson, ça ne ferait aucun sens. Un jour, peut-être, j’écrirai sur d’autres sujets, d’autres milieux. En attendant, je trouve intéressant d’imaginer comment des gens ont pu évoluer après avoir vécu de la chance ou de la malchance. J’ai déjà écrit des histoires qui étaient loin de moi, alors que j’ai plus de facilité à transmettre des émotions à partir de ce que j’ai vécu. Je ne parle pas ici de situations, mais d’ambiances, d’émotions. Ce que l’on voit dans le film ne m’est jamais arrivé, mais les émotions, je les reconnais. C’est de l’autoréférence, comme une photographie émotionnelle. J’essaie de reconstituer une histoire en inventant d’autres histoires. C’est ce que je trouve le plus stimulant. J’avais envie d’introduire des caméos, comme dans un film en prises de vues réelles. J’ai demandé à des amis de m’envoyer des photos d’eux à l’adolescence pour tracer leurs visages. Les personnages s’inspirent de gens que j’aime ou de dessins qui communiquent le mieux les émotions véhiculées par ces personnages. Par exemple, le meilleur ami d’Adam, Timothée, ne s’inspire pas d’une personne que j’ai connue, mais, graphiquement, c’est le personnage qui convenait le mieux : il pourrait être un nerd (lunettes, cheveux frisés roux courts), mais il est assez cool pour ne pas se faire importuner par qui que ce soit.
Étant donné le caractère presque artisanal de la production, comment abordez-vous le mouvement ?
Je travaille avec le chef animateur Nicolas Mousseau. Les mouvements des personnages se composent de boucles et chaque boucle se compose de trois photogrammes, ce qui leur donne un aspect vibrant. La ligne est tout le temps en mouvement comme si elle était redessinée constamment, ce qui pourrait se rapprocher de l’animation traditionnelle, mais ne l’est pas réellement. Il existe des outils qui servent à déformer le dessin pour produire un mouvement, mais ces effets de déformation numérique, je les trouve rebutants. Pour nous, c’est le meilleur des mondes : une technique qui, souvent, est utilisée en pub ou en corpo, que j’adapte à mes aspirations esthétiques pour qu’on puisse travailler à plusieurs. C’est moi qui dessine les personnages et je fais passer mes dessins aux animateurs qui vont ensuite les faire bouger. Quand un animateur me retourne une scène, je retrouve mes dessins et je constate la sensibilité de l’artisan. Ça crée chez moi un effet de surprise, un peu comme si l’on demandait à Sophie Cadieux [une des actrices vocales du film] de lire un poème sans savoir qu’elle irait chercher une émotion en particulier. Il y a quelque chose de très beau quand les dessins reviennent avec la sensibilité de quelqu’un d’autre. Même si j’ai l’expérience de quelques films, je ressens encore une émotion vive quand je vois le personnage cligner des yeux, respirer pour la première fois. Cela s’apparente à de la direction d’acteurs… avec des dessins. En revanche, je délègue les décors. Ça me libère parce que je sais que l’artiste visuelle Isabelle Guimond les réussira parfaitement. Moi, j’ai quelques problèmes avec les perspectives… Mais, dans la façon dont nous déléguons, j’exerce un contrôle. Je fournis plusieurs croquis. Il n’y a rien que je délègue sans avoir eu une discussion préalable. Même chose pour la musique : je la fais interpréter par Mathieu Charbonneau, mais je l’ai composée et enregistrée auparavant. On la réenregistre, on discute des ajustements. Je suis là à chaque étape. Mais, par rapport à mes autres films, la plus grande part du travail que je délègue concerne les décors.
Extrait de l’entretien de Joël Vaudreuil par Blink Blank paru dans le dossier de presse du film fourni par FunFilm Distribution
Résumé
Adam, 15 ans, passe un été dans sa banlieue ordinaire et s’occupe à faire des petits travaux pour le voisinage. Sans cesse moqué en raison de sa haute taille et de son physique ingrat, il vit des moments douloureux. Pour couronner le tout, l’élue de son coeur ignore ses tentatives de séduction, trop accaparée qu’elle est par un fier-à-bras, qui ne laisse pas sa place lorsqu’il s’agit de jouer des mauvais tours à Adam. Heureusement pour lui, il y a sa grande soeur qui le console du mieux qu’elle peut. ©Charles-Henri Ramond
Distribution
Avec les voix de Simon Lacroix, Noémie O’Farrell, Sophie Desmarais, Marc Beaupré, Isabelle Brouillette, Antoine Vézina, Julianne Côté, Fabien Cloutier, Alexis Lefebvre, Sophie Cadieux et Gaston Lepage
Fiche technique
Genre: chronique estivale, récit d’apprentissage – Origine: Québec, 2023 – Durée: 1h35 – Langue V.O.: Français – Visa: général, déconseillé aux jeunes enfants – Première mondiale: juin 2023, Annecy, France – Sortie en salle: 7 juin 2024
Réalisation: Joël Vaudreuil – Scénario: Joël Vaudreuil – Production: Olivier Picard, David Pierrat – Société de production: Parce Que Films avec la participation financière de Téléfilm Canada, SODEC, Fonds Harold Greenberg, Conseil des arts et des lettres du Québec, crédits d’impôts fédraux et provinciaux – Distribution: FunFilm Distribution
Équipe technique – Animation: Nicolas Moussette, Hristo Karastoyanov – Compositing: Nicolas Moussette – Décors: Isabelle Guimond, Carolyne Scenna – Direction artistique: Joël Vaudreuil – Montage: Joël Vaudreuil – Musique: Mathieu Charbonneau, Joël Vaudreuil – Son: Olivier Calvert, Bernard Gariepy – Storyboard: Joël Vaudreuil