Suite à l’annonce des nommés aux Jutra 2012, dont la liste a été rendue publique hier, il y a fort à parier, qu’en coulisses ou au grand jour, des soupirs d’indignation se soient faits entendre. En dehors de quelques films justement choisis, une bonne part de notre cinéma de qualité a été oubliée. Une fois de plus.
Au rang des satisfactions, et si l’on se concentre sur les cinq catégories majeures (meilleur film, meilleure réalisation, meilleur scénario, meilleure actrice et meilleur acteur), on note la présence de Nuit #1 et celle de Le vendeur avec respectivement trois et quatre sélections. Deux très beaux films, primés dans les festivals, qui sont à leur place dans cette liste. Comme Les signes vitaux et Curling (qui retrouve une sélection cette année) l’an dernier, ils sont les deux seuls représentants de notre cinéma d’auteur, malgré la qualité de nombreux autres films, oubliés sans raison apparente. Passons en revue les films dans l’ordre de leur nombre de nominations.
Les premiers…
Que Monsieur Lazhar n’obtienne pas plus de neuf nominations est en soi plutôt étonnant. Même si l’on sait que traditionnellement les Jutra ratissent large dans leurs choix, vu les résultats internationaux et la sélection aux Oscar du film de Falardeau, je m’attendais à plus, au moins autant qu’Incendies, le meneur de l’an dernier avec dix nominations.
Derrière ce timide leader, la cohorte de poursuivants se bouscule au portillon. C’est Coteau rouge, du vétéran André Forcier, qui mène le bal, avec huit nominations. Allez comprendre pourquoi cette comédie légère parvient à se hisser aussi haut. Même si le film a d’indéniables qualités, le placer au même niveau que Monsieur Lazhar me paraît un tantinet osé. Deux ou trois nominations de moins n’aurait pas créé de remous je pense.
Le troisième film au classement est Café de Flore, qui est à sa place avec sept nominations.
C’est maintenant que ça se corse. Car que dire des très fortes présences de Pour l’amour de Dieu et d’Une vie qui commence, qui récoltent tous deux six nominations. Pour des films aux qualités artistiques très classiques (mais très télévisuelles) et dont les critiques furent, au mieux, mitigées, ça fait beaucoup trop. Certes je me réjouis de leur réussite et je les félicite, mais je m’interroge réellement sur ce qui a pu faire pencher la balance en leur faveur auprès des des 16 membres du jury de professionnels.
Six nominations, c’est également ce que récolte Starbuck, bien apprécié par les votants des Prix Génie, mais qui fait figure de laissé pour compte des Jutra 2012. On s’étonne particulièrement de ne pas retrouver Antoine Bertrand dans la catégorie acteur de soutien alors qu’il l’est pour Frisson des collines. Bizarre.
Terminons les doléances en notant la présence des très ordinaires Le sens de l’humour avec pas moins de quatre nominations et surtout de La peur de l’eau, qui a droit à deux très flatteuses sélections (meilleur son et meilleure actrice de soutien, ah bon?). Le polar de Gabriel Pelletier ne doit son éligibilité qu’à une présentation spéciale en novembre aux ÃŽles-de-la-Madeleine. Il usurpe clairement ses deux places.
Alors que la liste n’est pas finie, on en est déjà à une vingtaine de nominations très (trop) questionnables.
… et les oubliés
À qui auraient donc du aller ces 20 nominations ?. Tout simplement à En terrains connus, Jo pour Jonathan et Marécages qui méritait largement plus que sa seule nomination dans la catégorie meilleur son. Comment imaginer que Gabriel Maillé et Pascale Bussières ne soient pas mentionnés pour leur performance ? Comment croire que l’originalité du scénario d’En terrains connus n’ait pas fait surface ? Que penser de l’absence de Paul Doucet dans la catégorie acteur de soutien (pour Funkytown, autre grand oublié, même dans les catégories techniques) ?. On pourrait aussi mentionner la photo de Le vendeur à la place de la désopilante sélection de Le sens de l’humour…
À un degré moindre, Jaloux pour son montage, The Year Dolly Parton was my Mom pour sa jeune actrice de soutien et La vérité pour son scénario auraient mérité de figurer dans la liste. Au total donc ce sont pas moins de six films qui ont été injustement oubliés.
Ces manques sont en effet bien étonnants et, une fois de plus, jettent le discrédit ou, à tout le moins le doute, sur la validité de l’exercice. À quoi peut servir un jury de professionnels, donc en théorie de connaisseurs, si une telle proportion des meilleures prestations de l’année – toutes unanimes au demeurant – sont ignorées ?
On se retrouve – ou pas – le 11 mars prochain pour la remise des prix.
La liste complète des nommés est disponible dans cet article.