Comme avec ses deux précédents films, Podz s’ingénie à nous montrer une société québécoise où l’État, représenté par ses institutions, a parfois bien du mal à faire face à certaines situations où certains cas plus difficiles.
Confrontés auxdites institutions, les individus se retrouvent donc obligés de se faire justice soi-même (Les 7 jours du talion), doivent se débattent contre vents et marées avec des moyens limités (10 ½) ou encore, comme c’est le cas ici, se retrouvent seuls face à des institutions sans état d’âme. On note au passage les ressemblances frappantes entre L’affaire Dumont et 10 1/2 – que l’on pourrait presque qualifier de demi-frères – ressemblances qui établissent les bases d’une œuvre, déjà abondante, dont la cohérence est de plus en plus évidente.
Cette cohérence se caractérise entre autres par la dissection presque méthodique de notre société et de la façon qu’elle a d’écraser ses citoyens les plus fragiles. L’affaire Dumont c’est la démonstration qu’une personne sans instruction et sans possibilité de se défendre est une proie facile pour un système judiciaire qui a ses propres codes, intangibles et inébranlables. Confronté à la lourdeur d’un environnement complexe, le “pauvre Dumont” ne pouvait être autre chose qu’une victime du système.
Dans ce combat entre un David diminué et un Goliath étatisé, il n’y eut que peu de place à l’émotion. Podz a donc choisi de n’en mettre pratiquement aucune. Il en résulte un film explicatif, qui propose une version froide et lucide d’un incroyable exemple de fautes collectives. Le procès, épuré de toute sensibilité, utilise des mots durs, crus parfois, et ne montre que des visages incrédules, des êtres humains impassibles ou seuls quelques yeux embués soulignent le désarroi lorsqu’ils racontent les détails de cette sordide affaire. De même lorsque Dumont doit affronter la réalité d’un système carcéral laissé à lui-même, ses démêlés avec les autres prisonniers sont montrés avec une froideur presque indifférente. La distanciation que le cinéaste prend avec son sujet déroute tant l’ampleur de l’erreur judiciaire semble aujourd’hui incompréhensible. Elle ressent dans la sobriété de la mise en scène mais aussi dans l’absence de sensiblerie de l’interprétation de Marc-André Grondin et Marylin Castonguay qui parviennent à nous faire ressentir leur grande solitude dans leur combat.
Dans le dernier quart d’heure, Podz nous rappelle, non sans un certain cynisme très usité dans le genre, quelques faits marquants les suites de l’affaire (qui n’est d’ailleurs pas encore terminée 22 ans après), cite des nominations d’anciens juges ou procureurs, “promus” à des postes ronflants après coup.
En résumé
Plus de trente ans après Cordélia de Jean Beaudin, la cinématographie québécoise retrouve en ses rangs un autre fleuron du style drame judiciaire. Plus froid que le précédent, L’affaire Dumont est un constat amer sur un système qui favorise l’incompétence et qui fait feu de tout bois pour se trouver des coupables. Le vrai Michel Dumont n’a jamais été officiellement innocenté. Est-ce que le film permettra de laver l’honneur de cet homme bafoué? Est-ce certaines langues se délieront enfin? On le souhaite. Est-ce que le film fera changer l’administration de la justice dans notre pays? Évidemment pas. Toutefois, L’affaire Dumont aura réussi à élever au rang de martyr un citoyen ordinaire pris dans l’engrenage de la justice des hommes, faillible au plus haut point, ici comme ailleurs.
L’affaire Dumont – Québec, 2012, 2h01 – Un tranquille livreur de dépanneur se fait accuser d’une agression sexuelle. Il clame son innocence, et au bout d’un procès rapidement exécuté, il est condamné. Il rencontre peu après une femme dont il tombe amoureux. Elle fera tout pour le blanchir de ces accusations. Basé sur une histoire vraie. – Avec: Marc-André Grondin, Marilyn Castonguay, Sarianne Cormier, Kathleen Fortin, Lise Roy, Francine Ruel, Martin Dubreuil – Scénario : Danielle Dansereau – Réalisation: Podz (Daniel Grou) – Production: Nicole Robert (GO Films) – Distribution: Alliance Vivafilm
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