La beauté du geste
Dans ce nouvel épisode japonais de la carrière d’un des plus atypiques réalisateurs québécois, un professeur de philosophie à la retraite débarque tout droit de Montréal sur l’Île d’Okinawa afin de se ressourcer et de repenser sa vie. Il se retrouve bientôt en charge d’une femme battue qui a décidé de s’enfuir de la maison.
Comme dans Kamataki, le thème du renouveau de l’homme occidental, fragilisé par un événement personnel dramatique, est mis de l’avant. La crainte de la mort que le ”vieux“ professeur à la retraite ressent se retrouve confrontée à l’apparente éternité des paysages et des pratiques ancestrales japonaises.
Au contact d’un Japon traditionnel fascinant et qui semble figé dans l’histoire depuis une éternité, Pierre puise les forces nécessaires pour remettre en cause ses propres valeurs et retrouver espoir en la vie, aidé en cela par une improbable amourette avec une jeune femme souffrant elle aussi de difficultés dans sa vie personnelle. Dans ce bain de jouvence inspiré par des personnages locaux plus grands que nature et par l’envoûtante beauté des paysages de l’Île d’Okinawa, Gagnon nous renvoie le portrait d’une société japonaise idéalisée, où la sérénité se vit à chaque instant et où l’artisanat devient source de longévité. Il évite le point de vue touristique lorsqu’il filme la fabrication de kimonos tissés en fibre de bananier (bashofu) et nous amuse avec la signification du karakara, petite carafe à alcool local. Plus sérieusement, Gagnon ne se gêne pas pour dénoncer la présence des américains, stationnés dans cette partie du Japon depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et des effets néfastes de leur culture bulldozer.
Si les thèmes abordés par Kamataki sont encore bien vivants, Gagnon a choisi de simplifier son propos en délestant l’histoire d’un peu de profondeur psychologique. Karakara est en effet émaillé de plusieurs touches humoristiques – certains pourraient reprocher le côté vaudeville de quelques gags – qui allègent les tensions sans leur faire perdre leur sens ni leur importance. L’opposition des cultures et des modes de vie se fait ici tout en finesse, dans la contemplation plus que dans la confrontation.
Seul ombre au chapitre, l’évocation de la violence conjugale, qui ne sert que de prétexte au rapprochement des personnages et qui n’est traitée que très superficiellement. Quoi qu’il en soit, Karakara est un road movie original et apaisant, qui bénéficie en outre d’une interprétation épatante, menée par un Gabriel Arcand bourru à souhait et une Youki Kudoh rafraîchissante. Une comédie dramatique à la sensibilité et à l’approche unique, une sorte de vision idyllique d’un coin de paradis où tout semble figé dans le temps.
Karakara – Canada-Japon, 2012, 1h40 – En vacances à Okinawa, un québécois à la retraite rencontre une Japonaise dans la quarantaine qui fuit son foyer. Elle se joint à lui durant son séjour. Peu à peu les deux voyageurs s’eprennent l’un de l’autre – Avec: Gabriel Arcand, Youki Kudoh, Yuichi Atta, Toshi Moromi, Megumi Tomita, John Potter – Réalisation et Scénario: Claude Gagnon – Production: Takako Miyahira, Samuel Gagnon – Distribution: Métropole Films
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