Pour la (re)naissance d’idées moins stériles

Avec des parts de marché aussi faibles que celles enregistrées cette année, il aurait été étonnant qu’un énième débat sur la soi-disant non rentabilité du cinéma québécois ne refasse surface…

… remettant sur le tapis l’épineuse question de son financement et de son cinéma d’auteur.

C.R.A.Z.Y. : Marc-André Grondin et Michel Côté

C.R.A.Z.Y. : le grand succès de 2005 l’année des 18% de parts de marché québécoises (Marc-André Grondin et Michel Côté – Copyright:: TVA Films)

L’avis exprimé en début de semaine par Messieurs Gagnon (ancien patron du distributeur Alliance Vivafilm) et Guzzo (président de l’Association des propriétaires de cinéma du Québec) dans les colonnes d’un quotidien montréalais (1) est hélas loin d’être un avis isolé à l’intérieur et en dehors de la profession. La question du financement public de notre cinéma, malgré de très nombreuses discussions, explications et justifications, semble encore et toujours remise en cause lorsque les résultats ne suivent pas comme ce sera le cas en 2012. Cette remise en cause véhiculée par les adeptes du tout-commercial ne tient pas la route. Comme le discours populiste et pernicieux que l’on ressort à l’occasion et qui consiste à mettre sur le dos de la critique les mauvais résultats de tel ou tel film.

Devant les propos démagogiques et injustifiés de ces commerçants, les réactions – véhémentes (2) ou plus posées (3) – ne se firent pas attendre.

Si l’évidence de la faiblesse des résultats du cinéma québécois cette année ne peut être niée, et si ses conséquences directes et indirectes ne peuvent être occultées, on ne peut toutefois se contenter d’un pourcentage de parts de marchés pour en évaluer la portée. De même que l’on ne peut, sur les résultats d’une seule année, remettre en cause la totalité d’un système qui a fait ses preuves par le passé. On devrait plutôt s’attarder à la qualité des productions commerciales sorties cette année, plutôt que de blâmer le cinéma d’auteur, laissé trop souvent seul dans son combat de David contre Goliath avec ses maigres budgets de promotion et de marketing. Dresser l’un contre l’autre c’est nier l’idée qu’une cinématographie nationale diversifiée peut exister au Québec.

Dans un territoire aussi étroit que le nôtre, gavé de films par nos voisins du sud – qui ont de tout temps considéré le Canada comme un marché intérieur – la fragilité du cinéma québécois n’en est que plus tangible. Il est donc primordial de se pencher sur les difficultés rencontrées par notre industrie de manière plus globale, plus sereine et plus constructive que ces quelques réactions épidermiques. Les méthodes de financement ne sont qu’une composante parmi tant d’autres qui devront être abordées lors de cette réflexion de fond annoncée par M. Macérola dans sa réponse de vendredi dernier. La scission entre producteurs et exploitants – qui semble ici avoir pris une ampleur démesurée – devra elle aussi être traitée, au risque de voir ces derniers ne plus choisir de ne distribuer que quelques grosses productions québécoises estivales, réservant les films d’auteur à des circuits de plus en plus restreints, comme on le remarque depuis plusieurs années déjà (4).

Face à une situation que l’on n’avait pas connue depuis de nombreuses années et suite aux déclarations fracassantes d’un exploitant de salles à la tonitruance arrogante, force est de constater à quel point notre cinéma, plus fragile que jamais, doit faire l’objet d’une attention toute particulière. Souhaitons donc que SODEC et consorts se penchent vraiment sur la problématique en parvenant à mettre tout le monde à la même table pour que de ces discussions naissent des idées moins stériles que celles évoquées ces derniers jours. C’est tout le mal que l’on souhaite au cinéma québécois qui a encore – quoi qu’on en dise – de bien belles années devant lui.

Référence : (1) Entrevue accordée au Journal de Montréal, lundi 13 novembre. M. Gagnon en appelle à plus de comédies populaires et M. Guzzo dit en substance que les films d'auteur québécois " lamentards " coûtent cher aux contribuables et que l'on devrait produire plus de films " que le monde veut voir ". (2) Réponse du cinéaste Philippe Falardeau sur sa page Facebook, 15 novembre; avis de Patrick Huard dans Le Journal de Montréal, 16 novembre et entrevue par La Presse avec des producteurs québécois, 16 novembre (3) Réaction de M. François Macérola publiée sur le site internet de la SODEC, 16 novembre (4) À titre de comparaison, La donation de Bernard Émond était sorti le 6 novembre 2009 dans 22 salles tandis que cette année Tout ce que tu possèdes n'avait que 13 écrans lors de son premier week-end.

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