Les inconditionnels de la série radio-canadienne culte riquent fort de se creuser les méninges pour tenter de trouver un quelconque rapport entre ce film aux ambitions démesurées et leur télésérie préférée. Ils auront probablement raison, car sans aller jusqu’à l’usurpation d’identité, Omertà le film échoue à nous faire revivre sur grand écran l’esprit de la série. De plus, notre blockbuster estival manque de ferveur et souffre d’une réalisation ultra conventionnelle.
Certes, il était quasiment impensable de pouvoir retrouver la complexité de la série Omertà dans un long métrage de moins de deux heures. Certes, il fallait du nouveau. Luc Dionne est donc aller cherché dans des manchettes méconnues pour nous plonger dans une mafia montréalaise aux nouveaux chefs et aux magouilles autrement plus imposantes que celles qu’on avait l’habitude de connaître. Luc Dionne a choisi de plonger Pierre Gauthier dans une intrigue moins directement reliée à l’univers traditionnel de la mafia (prostitution et drogue). Ici il s’agit de démonter une arnaque de haute voltige qui repose sur la nécessaire complicité de politiciens influents. Le scénario, basé sur ces étonnants faits divers, dépeind habilement l’ambiguité des personnages et la très fine ligne qui sépare les bons policiers des crapules mafieuses.
Sur le plan de la construction du récit, Omertà déçoit. Le rythme, très lent dans sa première heure est pénalisé par des longueurs, alors que la dernière demie-heure, plus chaotique, mène à des raccourcis inévitables pour faire tenir le film dans une durée raisonnable. Dommage, car c’est alors que l’histoire prend une tournure plus intéressante qui aurait mérité un approfondissement supplémentaire.
Dans un rôle d’un agent double aux dents longues, Patrick Huard possède le personnage le plus interessant et s’en sort très bien. Il vole d’ailleurs la vedette à Michel Côté, dans un rôle unidimensionnel, identique trait pour trait à celui qu’il tenait dans la comédie De père en flic. Le reste de l’interprétation fait ce qu’elle peut dans des personnages aux contours uniformes et qui souffrent presque tous d’un manque flagrant de profondeur.
On regrette en outre que l’étude des relations entre les personnages laisse planer quelques interrogations sur leur bien-fondé. Quel est le vrai rapport entre Gauthier et Sophie? Que viennent faire dans l’histoire la fille de Gauthier (Mélissa Désormeaux-Poulin) et de (me semble-t-il) son chum (Maxime Denommée), alors que leur importance dans l’intrigue est totalement anecdotique? Deux questions parmi d’autres à l’endroit d’un scénario qui ne convainc guère.
Ce qui finit d’achever le film c’est sa réalisation pataude et convenue qui nous ressert les poncifs dignes de la série B italienne des années soixante-dix (incluant sans s’y limiter : les très gros plans de visages torturés, les ralentis, la trame sonore omniprésente et pas très subtile… j’en passe et des pires). Certes le polar a des codes et des règles de style très spécifiques, mais était-il vraiment nécessaire de les montrer si ostensiblement?
En résumé
Avec des antécédants aussi forts, il était envisageable de voir l’un des polars québécois les plus intrigants depuis longtemps. Hélas, Omertà parvient à peine à dépeindre l’univers trouble ou forces de l’ordre, flics ripoux et mafieux se croisent et se confondent. Ce faisant, il ne dépasse guère le stade de polar plus ou moins réussi qui devra batailler ferme contre des superproductions hollywoodiennes autrement mieux armées.
Omertà – Québec, 2012, 1h47 – un ex-flic devenu directeur d’une agence de sécurité se lance sur els traces d’un mafieux montréalais, à la tête d’un trafic international de lingots d’or – Avec: Michel Côté, Patrick Huard, Rachelle Lefebvre, René Angélil – Scénario et Réalisation: Luc Dionne – Production: Denise Robert ; Daniel Louis (Cinémaginaire) – Distribution: Alliance Vivafilm
Ma note:Â