[Critique] Le vendeur: admirables boniments

Par sa qualité d’écriture, sa maîtrise mais également par l’interprétation hors pair de Gilbert Sicotte, Le vendeur, s’avère être l’un des meilleurs, sinon le meilleur, film québécois de l’année.

Le Vendeur de Sébastien Pilote (Gilbert Sicotte)

Gilbert Sicotte et Nathalie Cavezzali, étincelants dans Le vendeur – © Films Séville

Partant du personnage central, le vendeur d’autos, très ancré dans notre imaginaire, pour élargir son portrait à toute une région, Sébastien Pilote fait preuve de très grande maîtrise pour nous montrer les habitants, les lieux et les us et coutumes, d’une communauté frappée de plein fouet par le marasme économique actuel. Au centre de la distribution, notons l’excellente performance de Gilbert Sicotte, criant de vérité.

Dans une petite ville mono-industrielle, Marcel Lévesque, 67 ans, vendeur d’autos roublard et facétieux toute sa vie durant, arrive en fin de carrière. Malgré le marasme ambiant, il parvient par ses beaux mensonges à convaincre ses clients, sans trop se soucier de leur condition. Mais un jour, un tragique accident – dans lequel il a une responsabilité morale – vient bouleverser la vie de Marcel, qui voit alors son univers vaciller de plus en plus…

Ce vendeur, c’est avant tout un constat lucide et implacable du système économique actuel qui est dépeint par Sébastien Pilote. En dépit de la crise économique et de la fragilité des conditions, le vendeur use de tous les boniments pour vendre un beau char de l’année à des clients pris dans des situations de plus en plus difficiles, au risque de les enfoncer encore plus dans le marasme et la désolation. Donner du bonheur comme il dit, mais aussi risquer le malheur de son prochain. Il en va ainsi de la loi du marché, il faut vendre pour s’enrichir (ou à tout le moins dans ce cas-ci pour ne pas fermer boutique), au risque d’en faire tomber d’autres au passage.

Si le film dresse le portrait de ce petit concessionnaire de région, comme archétype de notre système de consommation plutôt tordu, Le vendeur ne verse pas pour autant dans le pamphlet anti-capitaliste. Sébastien Pilote montre simplement ce vendeur d’autos qui fait son métier avec abnégation et qui ne devrait pas être tenu coupable de quoi que ce soit.

Sans états d’âme, ou le cachant du mieux qu’il peut, notre Marcel Lévesque continue donc à pratiquer son métier, à «donner du bonheur» à ses «amis», au risque de les plonger dans un malheur encore plus grand (c’est ce qui arrive à ce client au nom métaphorique de Paradis). Les conséquences de ce métier peuvent toutefois se montrer imprévisibles.

Loin d’être un film sombre et mélodramatique, Le vendeur nous offre un portrait de son environnement et de son époque filmé avec une rare acuité et démontrant un amour sincère pour ses personnages. Non dénué d’une pointe d’humour, Le vendeur trace les contours d’une société qui est en train de mourir à petit feu, mais tout de même remplie de drôlerie et de facétie. Car derrière les chiffres des statistiques, au-delà des manchettes des journaux, il y a ces travailleurs au chômage, qui dansent, qui rient, qui chantent aussi. Pilote les filme amoureusement, apportant une épaisseur de ces anonymes que le système laisse de côté pour des raisons qui échappent parfois à toute logique, donnant au film un côté profondément chaleureux et humain.

En résumé

Parfaitement ancré dans la société nord-américaine, Sébastien Pilote observe son époque et restitue un portrait touchant et sincère d’un personnage très familier dans notre imaginaire collectif. Par sa qualité d’écriture, sa maîtrise mais également par l’interprétation hors pair de Gilbert Sicotte, Le vendeur, s’avère être l’un des meilleurs, sinon le meilleur, film québécois de l’année 2011.

Le vendeur – Québec, 2011, 1h45 – Dans une petite ville mono-industrielle, Marcel, vendeur d’autos roublard et facétieux, arrive en fin de carrière. Malgré le marasme ambiant, il parvient par ses beaux mensonges à convaincre ses clients… – Avec: Gilbert Sicotte, Nathalie Cavezzali, Jérémy Tessier – Scénario et Réalisation: Sébastien Pilote – Production: Bernadette Payeur, Marc Daigle (ACPAV) – Distribution: Films Séville

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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