Hier soir au Rendez-vous du cinéma québécois se tenait le 5 @ 7 concernant L’ÉTAT DES LIEUX DE LA DISTRIBUTION au Québec. La problématique exposée était donc de dresser un portrait de la distribution cinématographique au Québec, qui est à la croisée des chemins et qui devra sous peu se réinventer complètement pour s’adapter aux grands chambardements qui s’en viennent.
La soirée, animée par Julie Laperrière, regroupait les panelistes invités suivants, qui, jugez-en par vous-mêmes, sont particulièrement bien placés pour traiter de ce sujet:
- Joanne Sénécal, qui œuvré pour Alliance, et Christal Films, entre autres et qui avec Atopia distribuera prochainement Journal d’un coopérant de Robert Morin
- Patrick Roy, PDG Alliance Vivafilm
- Luc Déry, producteur pour micro_scope (C’est pas moi je le jure! ; Continental, un film sans fusil)
- Mario Fortin, PDG du Cinéma Beaubien.
Une industrie à réinventer
Suite aux récents remous vécus par la distribution (les exemples de Christal Films, d’Équinoxe et l’apparition de nouveaux joueurs ont été cités), face aux nouvelles possibilités qu’offrent les changements technologiques tel qu’internet ou l’arrivée du numérique dans les salles comme l’a très bien expliqué M. Fortin, tous les invités n’avaient d’yeux que pour une profonde refonte des modèles d’affaires actuellement en vigueur. D’un commun accord, les invités ont parlé de la mutation qui est en train de s’opérer et ont tous mentionné qu’il faudra s’adapter pour survivre. D’aucuns ont même utilisé le mot révolution pour qualifier les changements qui devront s’opérer pour répondre aux nouvelles équations de la profession.
Face à ces changements, les moyens à mettre en œuvre, les modèles à trouver et les méthodes à implanter ne semblent pas être totalement cernés à l’heure actuelle. M. Déry a parlé de modèles de contrats entre producteurs et distributeurs qui datent de longtemps et qui sont un peu figés, Mme Sénécal a parlé des pratiques actuelles qui suivent un modèle bien établi qu’on voudrait bien changer, mais sans vraiment savoir comment… bref, il faut changer, mais vers quoi?
Les raisons d’être d’un distributeur
La soirée a débuté par un rappel des fonctions essentielles des distributeurs, fonctions qui, quelle que soit la plateforme, dont de vendre le film, de trouver le public adéquat. M. Roy a rappelé que la distribution d’un film reste une opération financière, qui doit minimiser les risques afin de ne pas affaiblir la profession. Si les invités semblaient donc d’accord sur le fait que la mise en marché des films reste essentielle, il a été mentionné à plusieurs reprises que la synergie entre le distributeur et le producteur doit être accrue. Citant l’exemple de Vivafilm, M. Roy a parlé de symbiose qui doit s’opérer entre les deux corps de métiers, permettant ainsi le droit de regard artistique des distributeurs (sic), et à l’inverse la possibilité pour les producteurs de s’impliquer dans la mise en marché de leurs films. Ce à quoi M. Déry a renchéri en parlant de la place très (trop) importante que prennent les distributeurs…
Internet, plus qu’incontournable
Comme le mentionnais M. Fortin, aller dans une salle de cinéma, restera toujours une expérience irremplaçable. Toutefois, l’arrivée d’internet semble modifier énormément la mise en marché d’un film. Comme on pouvait s’y attendre, Internet a donc été très longuement débattu durant la soirée. M. Roy a mentionné que les revenus générés par la VOD sont encore très limités, tandis que M. Déry remarquait très justement que si Internet peut fournir un contact direct entre le producteur et son public, la difficulté d’attirer l’internaute lorsqu’un film est disponible sur Internet reste entière.
Avec toutes les possibilités de visibilité qu’il offre, mais aussi avec ses travers et ses risques, Internet semble bel et bien un incontournable avec quoi il va falloir composer pour mettre le film en marché.
Mais comment maîtriser cette nouvelle plateforme?
Si le consensus sur le besoin d’utiliser internet a été largement ressenti, il y a tout de même de nombreuses questions qui restent en suspens. En effet, les méthodes à employer pour prendre la mesure de ce géant semblent aujourd’hui peu connues. Le retard technologique du Québec et du Canada dans la distribution légale des films en format numérique a alors été abordé, M. Roy donnant l’exemple de iTunes, qui ne semble pas très ouvert aux films francophones (et encore moins à ceux qui sont sous-titrés) et M. Déry s’étonnant du fait qu’aucun film québécois ne soit disponible légalement sur Internet, alors que de nombreuses offres illégales de films récents soient présentes et bien visibles.
Le cinéma d’auteur
Bien que n’étant pas vraiment au cœur du débat, le cinéma d’auteur a tout de même été invité à la table. Dans la salle, Mme Trépanier d’Évokativ Films, a parlé du problème de manque de salles à Montréal et de la difficulté de trouver des issues en région pour les films d’auteur. Elle a été suivie en cela par M. Déry qui a mentionné sa crainte de voir le cinéma « s’avatariser », au détriment des plus petits.
Conclusion
Lors d’un rapide tour de table final, les invités ont exprimé leur souhaits pour l’avenir. Mme Sénécal a parlé de trouver un nouveau modèle d’affaires, M. Roy a mentionné le besoin de trouver l’équilibre et la santé financière, M. Déry a souhaité que des plateformes de diffusion numérique voient le jour et enfin, M. Fortin a appelé à la recherche d’outils pour mieux comprendre l’auditoire et ses attentes.
Comme on le voit, l’état des lieux de la distribution cinématographique est complexe. Les panélistes présents hier soir nous ont donné un portrait assez juste du in-between pour reprendre le terme de Mme Sénécal, dans lequel se trouve la profession aujourd’hui. L’arrivée d’Internet et du format numérique cause bien des maux de tête à cette profession. On sait que des changements majeurs devront s’opérer, mais les pistes de solutions semblent encore assez floues. En souhaitant pour finir que ce ne soit pas les cinéphiles qui écopent… après tout, pouvoir voir de bons films reste le seul objectif… quelle que soit la plateforme.