Par son sujet, La maison du pêcheur était matière à grand film. Les balbutiements de la cellule Chénier, prémisse à la crise d’Octobre, c’est le genre d’histoire rare et importante qui pouvait offrir au cinéma québécois l’un de ses drames historiques les plus importants. Encore aurait-il fallu en prendre soin. Or, force est de constater que par bien des aspects le film d’Alain Chartrand est tout sauf un grand film. À la rigueur un honnête téléfilm. C’est donc essentiellement la recréation des événements qui constitue l’intérêt du film. Le déroulement des événements – même romancé – s’avère convaincant et parvient bon an mal an à retenir l’attention, sinon à captiver.
Mais l’intérêt s’arrête là . Car La maison du pêcheur se sort très mal des aspects purement fictionnels non directement reliés à l’Histoire, celle avec un grand H. D’Abord il y a ces amourettes que Bernard Lortie entretient avec la sage Geneviève ou avec la délurée Lison qui semblent avoir été plaquées sur l’intrigue sans qu’on en ressente vraiment la nécessité. Constituant un troisième niveau de lecture de l’histoire, celle avec un petit h, ces flirts contrariés n’apportent que peu au propos et hachent le film au point de lui faire perdre son rythme.
De plus, le traitement des personnages frôle le risible. Si le traitement réservé au quatuor central, montré ici comme le clan des justes, permet au film d’appréhender la tension de la dimension historique, il en est tout autre des locaux, montrés comme de joyeux empêcheurs de révolutionner en rond. Tournés en dérision, plusieurs personnages sont finalement trop peu crédibles, tel l’excessif patron de camping (Luc Picard), ou le jovial maire de Percé (Raymond Bouchard). Ils passent par moments pour de simples caricatures, comme si les auteurs avaient délibérément amplifié le ton outrancier pour les faire passer pour ridicules. Cette schématisation crée des moments loufoques décalés proches de la comédie satirique qui ne parvient qu’à affaiblir le propos militant de l’ensemble.
Au final, on regrette le gâchis du sujet, que la réalisation à la mode du téléfilm taillé pour une soirée télé éducative, ne parvient pas à relever. Un tel sujet méritait bien meilleur traitement.
La maison du pêcheur – Québec, 2013, 1h34 – À Percé durant l’été 1969, quatre jeunes ouvrent un lieu de rassemblement et de conscientisation de la jeunesse. Au grand dam des résidents et des autorités locales, bien décidés à leur faire passer un mauvais quart d’heure – Avec: Mikhail Ahooja, Vincent-Guillaume Otis, Benoit Langlais, Charles-Alexandre Dubé – Scénario: Jacques Bérubé, Alain Chartrand, Mario Bolduc – Réalisation: Alain Chartrand – Production: Vic Pelletier, Jean-Roch Marcotte, Vincent Leroux – Distribution: Les films Christal
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