Films du Québec

Gabrielle, second long métrage de fiction de Louise Archambault après Familia (2005), a tout ce qu’il faut pour suivre les traces de Monsieur Lazhar, avec qui il partage déjà plusieurs similitudes. Même maison de production, même prix du public à Locarno et même réputation sans tache avant sa sortie en salles, sans oublier une histoire ingénieusement consensuelle et crédible qui ne peut que fonctionner.

Gabrielle Marion-Rivard et Alexandre Landry dans Gabrielle de Louise Archambault

Or, il faut reconnaître que la proposition de Louise Archambault tient la route et évite relativement bien les écueils réservés par ce sujet complexe. Archambault montre en effet une attention de tous les instants aux moments les plus personnels de la vie amoureuse de sa protégée. Douée d’une volonté de fer, attirée vers l’indépendance malgré un handicap dont elle ne mesure pas vraiment l’étendue, Gabrielle ne rêve que d’un amoureux et d’une vie « ordinaire ». Archambault filme ses premiers émois avec la justesse dévolue à la naissance de l’amour d’une jeune femme sensible et rieuse. Les débuts d’une sexualité inconnue des jeunes sont montrés par petites touches dans des scènes qui sont sans doute les plus belles du film. La réalisatrice amène le spectateur dans le monde de Gabrielle avec la douceur nécessaire à l’apprivoisement d’un être fragile dont on doit prendre soin. Filmée avec une tendresse et une émotion qui suintent à l’écran, Gabrielle Marion-Rivard illumine de bout en bout et signe ici une performance remarquable. Elle et un Alexandre Landry plus vrai que nature justifient à eux seuls le visionnement.

Toutefois, Gabrielle n’est pas exempt de lourdeurs et force un tantinet la note mélodramatique. On s’y attendait un peu, mais on espérait du même souffle que la pudeur et la retenue qui faisait la beauté de Familia l’emportent. Or, il faut avouer que quelques scènes connexes à l’intrigue centrale semblent avoir été judicieusement insérées dans le but premier de faire pleurer dans les chaumières. Si au final le procédé n’est pas vraiment dommageable à l’ensemble, il vient cependant s’additionner à la faiblesse de personnages secondaires qui ne bénéficient pas tous d’un traitement aussi élaboré que celui réservé à Gabrielle et à Martin. Les mères en particulier, opposées ou indifférentes, sont assez vite écartées sans réelle justification narrative. Le personnage du chum de Sophie (qui donne des cours de chant traditionnel à de jeunes enfants indiens…) participe quant à lui à la vision un peu trop innocente d’un Québec moderne, inclusif et ouvert véhiculée par le film.

Tirant à la limite la corde du mélo jusqu’à une scène finale très convenue, Gabrielle, sans décevoir, ne satisfait pas pleinement. Il y a toutefois fort à parier que cette touchante histoire d’amour bien filmée et bien photographiée trouvera un écho plus que favorable auprès du public. En ce qui me concerne, le quota d’angélisme est atteint.