À l’instar de son précédent film, Le vendeur, Le démantèlement second long métrage de Sébastien Pilote propose le portrait d’un homme en fin de parcours, qui devra faire face à un événement impromptu le poussant à faire une fois de plus preuve de sacrifice.
Utilisant moult images bucoliques lovées dans une douce trame sonore, Pilote propose un visage nostalgique d’une autre époque. La bergerie traditionnelle à taille humaine de Gaby Gagnon, sise dans une verdure à couper le souffle nous est montrée à la manière des westerns de John Ford sous les rayons rougeoyants du soleil couchant. Le tableau touchant sort tout droit d’un autre temps. Celui ou les valeurs morales, la famille et le dur labeur suffisaient à remplir une vie. Gaby est de cette trempe. Cet homme de peu de mots, fier de son métier, est fermement enraciné à la terre qui l’a porté. Mais les problèmes familiaux d’une fille ingrate, les difficultés économiques, évoquées en filigrane et l’impossibilité de transmettre le patrimoine familial, viennent changer la donne.
Malgré ses problèmes, le Gaby de Pilote n’est pas montré en victime des temps modernes. Au contraire, il assume par amour des siens un choix déchirant qui lui met à dos son entourage. Car, même si l’image d’Épinal ne trouve plus guère d’écho dans la campagne québécoise d’aujourd’hui, le film met les aspects sociaux-économiques de côté pour expliquer l’attitude du personnage. À ce titre, ce second film propose un superbe hommage à l’amour paternel et à la solitude des gens de terroir. Naïf, peu exigeant, l’homme est un loup devenu solitaire par la force des choses à qui il ne reste plus que deux filles éloignées à gâter. Les problèmes de son aînée lui fournissent donc un prétexte presque idéal pour donner à autrui le fruit de son seul bien. C’est l’entêtement et la force de caractère du personnage, incarné par le magnifique Gabriel Arcand, qui le rendent particulièrement attachant malgré un côté irrationnel qui étonne.
Cependant, si ce portrait lent et sobre est plus que convaincant, il perd de son intérêt dans une partie centrale inégale (la confrontation de Gaby et de ses frères, les deux ventes aux enchères filmées de manière quasi identiques). Par la suite, le film reprend vie alors que la plus jeune (Sophie Desmarais) vient visiter son père. Sans jalousie aucune, elle lui fait prendre conscience de la déraison de son acte. Mais le drame s’arrête net par l’aveu du père, évitant au film de sombrer dans l’affrontement familial.
Malgré ses quelques petites longueurs, ce second film tout en sobriété confirme tout le bien que l’on pensait de Sébastien Pilote. Faisant le plein de références cinématographiques et littéraires, voilà un film beau et sobre qui constitue à n’en pas douter l’une des valeurs sûres du cinéma québécois de l’année 2013.
Le démantèlement – Drame psychologique – Québec, 2013, 1h51 – Un berger vivant seul sur la terre familiale se voit dans l’obligation de démanteler sa ferme et vendre ses biens pour aider sa fille aînée, en pleine procédure de divorce – Avec: Gabriel Arcand, Gilles Renaud, Lucie Laurier, Sophie Desmarais – Scénario et Réalisation: Sébastien Pilote – Production: Bernadette Payeur, Marc Daigle (ACPAV) – Distribution: Séville
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