Ce n’est pas forcément beau, ce n’est pas nécessairement propre. Les enfants se foutent de leurs parents, les parents abandonnent aussi leurs enfants. Les sacres fusent plus souvent qu’autrement et le monde crache sa haine de vivre. Bienvenue dans le monde pas rose et pas clean de Robin Aubert. Un monde où la joie, la mort et la douleur ne sont que cris perpétuels.
Pour son troisième long métrage, Aubert le voyageur, nous propose un conte initiatique dans lequel trois héros ordinaires partent à la conquête de leurs vieux démons. Des démons tenaces et constitués de relents d’alcool et de douleur pour le père (Michel Barrette comme on ne l’avait jamais vu), la solitude et la mort prochaine pour le grand-père (Jean Lapointe dans l’un de ses meilleurs rôles en carrière, rien de moins) ou l’abus sexuel du petit fils, Hugo, alors qu’il était enfant, (Patrick Hivon, la grande découverte du film). Malgré ce passé lourd à porter et une famille plus qu’écartelée, le cheminement de ces trois hommes les amènera à se retrouver et à renouer un semblant de lien familial.
Repères mis à mal
Les histoires d’amours de Robin Aubert sont bien fragiles. Oubliez la tendresse ordinaire des couples « normaux » ; les histoires d’Aubert sont faites de boisson, de violence, de gars qui aiment ou cherchent à être aimés, mais qui ne savent pas le dire, ni le montrer. Le père est au bord de la folie, le grand-père est rongé par le chagrin depuis la mort de sa femme et le petit-fils ne vit que dans la haine depuis son agression. Oubliez les gars durs et solides, c’est pas ici.
Pour illustrer ces trois portraits d’hommes déchirés, il fallait un trio d’acteurs qui tiennent la route. Et le pari est gagné haut la main. À l’origine d’un cri tient beaucoup sur la justesse de ton de ses comédiens. Ils sont absolument parfaits. À commencer par Jean Lapointe qui livre ici une performance remarquable en vieux monsieur roublard et peu orthodoxe qui se sait sur ses derniers jours. Pour une dernière fois, il tente de se racheter (n’a-t-il pas engendré un fils devenu soûlon comme lui ?) en donnant enfin tendresse et amour à son fils. Il accompagne aussi un petit-fils qu’il ne connaît guère et l’appui dans sa recherche pour pouvoir mourir en paix avec lui-même.
Un sans-faute
Il n’y a pas grand-chose à redire dans ce film, en dehors de quelques invraisemblances qui parsèment ici et là le récit. J’ai regretté aussi quelques personnages de second plan, à peine esquissés (les tantes) ainsi que quelques longueurs au milieu du film et qui lui font perdre un peu de sa force de conviction.
À l’origine d’un cri est un film dérangeant. D’abord parce que le portrait de ces trois générations de mâles en prend un bon coup dans l’aile ; ensuite parce qu’en choisissant de filmer une vie rude et tourmentée, Aubert nous force à sortir de notre zone de confort. Il remet en question nos habitudes de cinéphiles en nous montrant bien plus que ce que l’on voit habituellement dans le cinéma québécois produit avec ce type de budget. Une Å“uvre qui gratte et qui démange. Mais tellement vraie.
À l’origine d’un cri – drame – Québec, 2010, 1h54 – Un homme désespéré s’enfuit avec le corps de sa femme décédée. Son fils et son père partent à sa recherche – Avec: Jean Lapointe, Michel Barrette, Patrick Hivon – Scénario et réalisation: Robin Aubert – Production: Max Films – Distribution: TVA Films
Ma note:Â