[Critique] L’ange gardien : glauque et froid

L’ange gardien est un film indéniablement très travaillé qui installe un climat de mystère et de tension en jouant sur son ambiance glauque et sombre. La finale en surprendra plus d’un.

Guy Nadon et Marilyn Castonguay dans L'ange gardien (J-S Lord, ©Couzin Films)

Guy Nadon et Marilyn Castonguay dans L’ange gardien (J-S Lord, ©Couzin Films)

Atmosphère, atmosphère, est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? … réponse univoque, oui ! Indéniablement, L’ange gardien est un film très travaillé qui parvient justement à installer un climat de tension, tout en déployant une ambiance glauque et sombre dans laquelle évoluent des personnages qui gardent en eux leurs mystères.

À la fois représenté par les couloirs froids et livides d’un édifice industriel sans nom, par une vie de couple en pleine décrépitude, et par un hiver citadin inhospitalier, le climat qui entoure la vie de Normand ressemble à une petite fin de parcours. Encore hanté par la mort de son fils, bien des années plus tôt, il vit dans le remords et le souvenir, et ne vibre plus guère qu’au rythme des exploits de son équipe de hockey. Un soir, il trouve sur son chemin Nathalie, une jeune âme à sauver du naufrage.

Si l’étrangeté et la morosité des lieux réussissent à rendre avec justesse l’impression de solitude et de désespoir des personnages principaux, elle le doit aussi à une interprétation de premier ordre, parfaitement dirigée. Outre la prestation sans failles d’un Guy Nadon en ex-flic reconverti et de Marilyn Castonguay tout en nuances, le film tire partie de la force brutale de Patrick Hivon, qui excelle à ne pas faire de son personnage une caricature de petit voyou en phase de transition.

Cette osmose parfaite entre les lieux et les personnages fait la force de ce second long métrage de Jean-Sébastien Lord, qui s’avère somme toute nettement plus convaincant que le premier (Le petit ciel, 2000).  Le film propose également un habile jeu des devinettes qui laisse planer le doute jusqu’à la toute fin. Balloté entre son rôle de mari absent et de père interrompu, le veilleur de nuit est-il un ange gardien pour la jeune femme ou bien est-ce le contraire ? En passant outre certaines errances initiales, le spectateur trouvera certainement matière à réflexion dans la finale de cette fable hivernale.

Toutefois, le hic tient dans l’absence de crescendo de l’intrigue, qui bascule dans l’irréel de façon abrupte au moment où l’on s’y attend le moins. Une telle finale peut paraître déroutante tant elle rompt avec la tension qui s’était jusque là timidement installée. De polar social, le film tombe dans l’irréel avec une aisance presque trop évidente, sans que les pistes n’aient été préparées. Un tournant qui arrive de plus très tardivement et qui n’a pas été amené avec toute l’importance qu’il mérite. Et que dire de la sirupeuse et omniprésente musique qui alourdit le drame sans justification.

En dépit de l’impression d’être passé à côté d’un thriller psychologique mystérieux et envoûtant, L’ange gardien est une proposition originale basée sur une interprétation juste de bout en bout.

L’ange gardien – drame – Québec, 2013, 1h35 – Un soir, un veilleur de nuit surprend un jeune couple en train de voler dans l’édifice dont il a la charge. Il fera tout pour sauver la jeune femme de sa morne vie. Mais les apparences ne sont pas toujours celles que l’on croit… – Avec: Guy Nadon, Marilyn Castonguay, Patrick Hivon – Scénario et réalisation: Jean-Sébastien Lord – Production: Ziad Touma – Distribution: K-Films Amérique

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