C’est le récit à peine choral de trois jeunes d’une communauté algonquine en plein cœur de l’Abitibi-Témiscamingue. C’est l’histoire de trois façons d’affronter la désolation. Qu’il soit dans le refus, le culte ou l’engagement social, le salut ne passera que par soi-même. Mais le destin collectif ou individuel de la jeunesse autochtone n’est pas toujours couronné d’espoir.
C’est d’ailleurs cette vision plutôt sombre de la communauté qui frappe d’emblée dans 3 Histoires d’indiens. La pauvreté, le délabrement, la pollution environnante, autant de maux de sociétés qui, au milieu d’une nature encore sauvage, laissent entrevoir le fossé qui sépare désormais la nation indienne de son territoire et de ses valeurs ancestrales. Mis en exergue par Érik Papatie, singulier recycleur découvert il y a quelques années grâce au Wapikoni Mobile, les effets de la surconsommation sur une communauté qui n’a pourtant pas grand-chose à se mettre sous la dent laissent perplexe.
C’est pourtant Papatie et son projet de télévision communautaire qui offre au film ses moments d’espoir. Avec un naïf désir de livrer à ses semblables une image invitante de la nature, Papatie et ses bebelles électroniques récupérées apportent un petit vent de changement au milieu du chaos. Un chaos dont ne sortiront pas Shayne et sa musique symphonique ou les trois jeunes femmes offrant leurs prières à la sainte Kateri Tekakwitha.
À travers ces portraits intimes séparés représentant un ensemble plutôt qu’un cas isolé, Morin abat au passage quelques préjugés. C’est que, même en 2014, les idées reçues sur les autochtones galopent encore très vite. Après Le Nèg’ ou Journal d’un coopérant il est donc naturel que Morin tente de remettre les pendules à l’heure sur des « Indiens » qu’il côtoie régulièrement. Sur la noirceur environnante d’un no man’s land trop réel, il laisse échapper une pincée de poésie divine, une goutte de revendication kamikaze ou un élan de ferveur communautaire.
Toutefois le mélange final laisse une impression de manque d’unité. En outre l’épisode Papatie se rapproche trop des capsules Wapikoni Mobile, tandis que le choc entre l’ordinaire et l’irréel des deux autres segments apparait un peu forcé. La célébration d’une sainte dans un shack au fond d’un rang boueux ou l’écoute de JS Bach au beau milieu des ruines d’une usine d’explosifs désaffectée offrent des images fortes, certes, mais un peu plaquées.
Cependant ce que l’on retient malgré tout c’est le souffle créateur d’un projet qui n’aurait sans doute pu se faire sans Morin aux commandes. Trente ans après ses premiers pas de vidéaste, l’irréductible n’a rien perdu de sa force évo(provo)catrice. Ses trois histoires se conjuguent dans un ensemble hétéroclite et bancal par moments, mais sont issues d’une liberté qui ne se conforme à rien d’autre qu’à la volonté de se faire plaisir tout en extirpant le spectateur des sentiers battus. Ne serait-ce que pour ça, que ce soit en salle ou en ligne, 3 Histoires d’indiens mérite amplement qu’on s’y attarde.
3 Histoires d’Indiens – expérimental – Québec, 2014, 1h10 – Portrait de quelques jeunes vivants dans une communauté iroquoise qui ont décidé de prendre leur vie en main. Chacun à leur manière, ils – Avec: Shayne Brazeau, Erik Papatie, Shandy-Ève Grant – Scénario et réalisation: Robert Morin – Production: Virginie Dubois, Robert Morin – Distribution: Coop Vidéo
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