Intéressant rappel à l’histoire que ce livre de mes collègues critiques Martin Gignac et Jean-Marie Lanlo, qui, près de quarante ans plus tard, reprennent le titre de l’ouvrage de Léo Bonneville, ex-directeur de la Revue Séquences, composé lui aussi d’entrevues avec plusieurs cinéastes québécois. Un pavé de presque 800 pages reposant sur la question : « Qui mieux que les cinéastes québécois pouvaient parler d’une façon pertinente du cinéma québécois? ». C’est en substance la prémisse de départ de Le cinéma québécois par ceux qui le font qui vient tout juste de paraître chez L’instant même, dans la collection L’instant ciné, dirigée d’ailleurs par Jean-Marie Lanlo.
Le livre repose sur une série d’entretiens menés durant l’hiver 2015-2016 avec six créateurs du présent, considérés comme « palette représentative de notre cinématographie ».  Débutant par la même interrogation (« Quel regard portez-vous sur le cinéma québécois ? »), ces discussions à bâton rompu avec Érik Canuel, Catherine Martin, Charles-Olivier Michaud, Noël Mitrani, Kim Nguyen et Rafaël Ouellet abordent à des degrés de profondeur divers nombre de sujets touchant directement ou indirectement la profession et donc, les films. Citons, entre autres, la relation entre « cinéma commercial » et « cinéma d’auteur », la crise des scénarios jugés trop semblables, l’importance des festivals, les limites de la collégialité du financement, la cinéphilie ou encore les problématiques liées au cycle de vie des sorties en salles. Se dessine alors un portrait général kaléidoscopique – heureusement, les auteurs en récapitulent les grandes lignes dans leur conclusion – des contraintes et des préoccupations ressenties par nos six cobayes, et donc, par extension, une large part de nos artisans.
Plusieurs pistes de réflexion intéressantes se retrouvent ici, notamment dans la façon de repenser la diffusion des films « difficiles d’accès », ou dans l’ouverture de notre imaginaire, de nos scénarios, sur des préoccupations plus internationales. Cependant, si l’ensemble touche pratiquement tous les thèmes importants, il nous semble que l’encrage de nos histoires dans la réalité sociale québécoise aurait mérité d’être débattu plus avant. Car après tout, si le médium est un reflet de ce que nous sommes, pourquoi ne pas interroger les intervenants sur le rôle que peut avoir le contexte socio-économique de la Province sur la création ? Cela aurait peut-être éclairci quelques constats décrits par ailleurs.
Malgré tout, le résultat de ces dialogues francs et sincères est efficace à plus d’un titre. D’abord parce qu’il propose un contrepoint bien senti aux discours optimistes des institutions publiques pour qui tout semble parfait dans le meilleur des mondes et qu’il apporte aussi des éclaircissements sur des préjugés tenaces concernant le piètre « état de santé » de notre cinéma, sa soi-disant mauvaise performance au box-office ou son statut de « cinéma gris ». En cela, et en dépit de sa brièveté, Le cinéma québécois par ceux qui le font donne la possibilité au lecteur novice d’approcher notre septième art par une vision de l’intérieur, lui apportant ainsi un éclairage appréciable sur les rouages d’une industrie aux multiples visages qui n’en finit pas de faire parler d’elle.
Le cinéma québécois par ceux qui le font
Discussions avec Érik Canuel, Catherine Martin, Charles-Olivier Michaud, Noël Mitrani, Kim Nguyen, Rafaël Ouellet.
- Collection « L’instant ciné », 159 pages
- ISBN imprimé 978-2- 89502-381-4
- ISBN PDF 978-2-89502-906-9,
- ISBN ePub 978-2-89502-907-6
En librairie à compter du 15 novembre 2016 – Pour feuilleter le livre : http://www.instantmeme.com/ebi-addins/im/ViewBooks.aspx?id=3157