Ce deuxième film de Rafaël Ouellet est un film dur et sombre, d’un réalisme particulièrement étonnant. La mise en scène fait preuve d’une belle maîtrise et promet sans doute à son réalisateur un avenir sur le long terme. Tout comme l’an dernier à pareille époque, alors que le brio d’Yves-Christian Fournier éclatait dans Tout est parfait, le cinéma québécois a peut-être trouvé en Rafaël Ouellet l’un de ses futurs maîtres.
L’une des grandes forces de ce film est de prendre le temps de nous montrer la construction de l’amitié que Léa éprouve envers Betty. Patiemment, Ouellet filme les regards complices, les gestes tendres; lentement il nous montre Léa qui se laisse entraîner par cette inconnue à la vie si excitante… Léa s’abandonne alors aux griffes acérées de Betty et se laisse montrer des horizons qu’elle n’aurait jamais connus dans son trou de campagne. Luxe, drogue, frénésie des nuits montréalaises, Betty la moule à son image en lui faisant perdre du même coup son innocence et sa pureté. À ce titre la scène où les deux jeunes femmes attendent sur le trottoir devant la boîte de nuit est révélatrice. Léa, maquillée à outrance, vêtue de bas résille du plus mauvais goût, n’est vraiment plus une enfant. Et lorsqu’elle se rend compte que sa virée dans la grande ville n’est pas à son goût et que ces petits jeux commencent à devenir dangereux, il est trop tard. Le plan rapproché de Léa en larmes lorsqu’elle découvre le jeu de son « amie » est éblouissant de vérité.
Charlotte Legault est superbe en Léa et je lui souhaite une grande carrière cinématographique, elle en a déjà le talent! Si le personnage de Léa est très bien exploité, celui de Betty est moins exploré, moins dense, et ne on ne comprend ses intentions que lors des dix dernières minutes du film, ce qui rend la fin un peu précipitée et brutale. Pourtant, cela ne joue pas en défaveur de Carina Caputo, qui parvient à donner à son personnage une dimension mystérieuse, inquiétante et même désespérée.
Du point de vue technique, Derrière moi est un film dont la maîtrise dépasse en tout point des films plus populaires et en tout cas plus médiatisés. La narration de ce sujet très réaliste est limpide, sans excès ni faute de goût. J’ai aimé les gros plans des deux femmes qui sont superbes et touchants, la bande sonore et le montage. La photographie mérite aussi une mention spéciale.
Malheureusement, Derrière moi est sorti dans deux salles seulement ; il y a donc de fortes probabilités que sa carrière commerciale soit plus que modeste. Souhaitons-lui toutefois de parvenir à trouver son public par le bouche à oreille. Il le mérite amplement.
Derrière moi – Québec, 2008 – Durée: 1h24 – Classement: 13 ans et plus – Une mystérieuse montréalaise débarque dans un coin du Québec et se lie d’amitié avec une jeune fille de la région. Après l’avoir gagnée à sa cause, elle l’emmmène à Montréal et lui fait découvrir les plaisirs et les nuits chaudes de la grande ville… – Avec: Carina Caputo, Charlotte Legault, Éliane Gagnon et Patrice Dubois – Production, Scénario et Réalisation: Rafaël Ouellet – Distribution: Films Séville
Ma note: