Dans Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles, Lyne Charlebois illustre à nouveau une histoire de passion interdite. Moins charnelle, quoique tout aussi ardente, que celle qui unissait dans Borderline une femme atteinte de troubles affectifs et son professeur de littérature marié, l’union du frère Marie Victorin et de son étudiante Marcelle Gauvreau offre à la réalisatrice l’occasion de dresser un portrait évocateur du Québec des années 1930. Lequel met adéquatement en valeur le poids des traditions religieuses du Québec d’alors et la menace qu’elles constituent sur la liberté des individus, apportant un certain danger, une urgence même, à leurs échanges, épistolaires et chastes, certes, mais totalement répréhensibles.
Dans ses segments historiques, Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles s’avère un portrait efficace d’une personnalité avant-gardiste, déjà animée par des préoccupations plus que jamais d’actualité (respect de la nature, respect des valeurs autochtones, instruction pour tous, libération des influences étrangères…). Et qui, à travers son admiration de la nature – illustrée par le biais de jolis, mais très convenus, inserts de fleurs et de plantes sauvages – éprouvait le besoin impérieux de rompre les tabous sur les sexes et sur les mystères du fonctionnement du corps humain, alors bien gardés sous une lourde chape de puritanisme.
Alexandre Goyette (King Dave) incarne cet homme audacieux de manière assez convaincante, même si j’ai trouvé que son jeu un peu stoïque empêchait parfois de rendre pleinement justice à la ferveur qui l’habitait et à sa passion pour les beautés presque divines de dame Nature. Face à lui, Mylène Mackay campe avec aplomb et sans affect (comme elle l’avait fait dans Les fleurs oubliées de Forcier, mais les deux films n’ont strictement rien à voir) une étudiante délicate et sensible, éprise de savoir et de découverte, en parfaite adéquation spirituelle avec son mentor.
Dotées d’une reconstitution modeste, mais convaincante, les séquences se déroulant dans le passé sont généralement concluantes. En revanche, j’ai été beaucoup moins convaincu par la mise en abyme campée au présent dans laquelle les deux acteurs engagés pour tourner une biographie sur la vie des protagonistes se remettent péniblement d’une histoire, charnelle celle-ci, qu’ils ont vécue peu de temps avant le tournage.
N’éclairant rien de l’histoire de Marie-Victorin et Marcelle Gauvreau, cet ancrage dans le présent s’intègre en outre assez difficilement. Hormis un long plan-séquence dans lequel Sylvie Moreau et Alexandre Goyette interchangent les époques sans que l’on s’en rende compte, de manière très fluide, les saynètes actuelles ont plutôt l’air plaquées. En plus de ne provoquer ni émotion ni passion, et de ne pas rendre vraiment justice au puissant sentiment de culpabilité qui habitait les personnages originaux. Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles, Lyne Charlebois se tient en équilibre précaire à la frontière des deux périodes de son histoire. Le résultat, hybride, est plutôt mitigé.
Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles – Québec, 2023, 1h41 – La passion platonique entre le frère Marie-Victorin et Marcelle Gauvreau se reflète au présent à travers la relation extraconjugale entretenue par deux comédiens qui les incarnent à l’écran – Avec: Alexandre Goyette, Mylène Mackay – Scénario et Réalisation: Lyne Charlebois – Production: Max Films – Distribution: Les Films Opale
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