1995 reprend le même schéma que 1991, sorti il y a six ans. Alors qu’il part à la découverte d’un monde inconnu et inquiétant, un gentil petit québécois un peu gauche vit toutes sortes de péripéties, parfois terrifiantes, mais loquaces pour la plupart. On pourrait même dire que c’est un copié-collé, tant les similitudes abondent. Entre 1991 et 1995, on a vraiment l’impression que le personnage n’a pas évolué d’un pouce.
En Italie, Trogi avait fait la connaissance de gentils étrangers, avait constaté l’itinérance et la misère, avait perdu ses papiers, ce qui l’avait amené à faire appel à de bien pâles employés de l’Ambassade du Canada… Pendant la Course destination monde, il rencontre de gentils étrangers, constate l’itinérance et la misère, casse sa caméra, ce qui l’oblige à faire appel à de bien pâles employés de l’Ambassade du Canada. Le père de Ricardo (Claudio Colangelo) est toujours aussi effacé, la mère (Sandrine Bisson), toujours aussi insupportable. On a même droit à une apparition de Marie-Ève Bernard, l’amoureuse de jadis, incarnée par Juliette Gosselin.
Quoique porté par une logorrhée toujours aussi dynamique et enjouée et bien que toujours incarné par un Jean-Carl Boucher attachant, 1995 (qui aurait plutôt dû s’appeler 1994, vu que l’action se déroule essentiellement à l’automne de cette année) affiche une filiation qui, on le comprend hélas beaucoup trop vite, ne portera pas bien loin. Passé un épisode néerlandais traité à la va-vite, le récit se contente en effet d’égrener un à un les éléments qui ont rendu les aventures du cinéaste populaires. De fait, rien n’étonne ni ne séduit vraiment, si ce n’est peut-être, un moment très bref, campé à flan d’Himalaya et inséré à la toute fin. Moment sincère qui laisse entrevoir tout le potentiel de ce qu’aurait pu être le film s’il avait plus misé sur les sentiments, ou sur une forme de prise de conscience mieux affirmée.
Le chemin s’y prêtait pourtant. Mais avant ce passage touchant dédié à son père, il aura fallu se coltiner (le terme n’est pas trop fort) le jeune Trogi s’exténuant dans les dédales administratifs des douanes aéroportuaires égyptiennes pour récupérer une caméra de rechange. Dédales qu’il compare – merci de nous le préciser – aux fameux casse-tête bureaucratique des Douze travaux d’Astérix. Cet épisode répétitif, mille fois trop long et au final plutôt insignifiant a pour effet d’affaiblir ce qui est pour moi le point central du récit. Soit la volonté du jeune réalisateur de marquer les esprits en faisant un film sur certaines pratiques ancestrales choquantes, aujourd’hui bannies, mais encore en vigueur à l’époque de son passage.
Impossible d’en dire trop, mais il aurait été bénéfique de mettre un peu mieux de l’avant, et de traiter un peu plus subtilement, la volonté du globe-trotter de briser l’interdit en abordant un sujet encore tabou. Mais sa volonté de s’élever contre l’emprise des hommes en rendant hommage au libre choix que les femmes ont sur leur corps se perd dans le flot de cocasseries affadissantes.
En revanche, et même si l’on voit peu d’archives ou d’extraits des films de Trogi et que l’on n’apprend pas grand chose des autres concurrents, on arrive quand même à saisir l’esprit et les coulisses de cette émission mythique, déterminante pour la carrière de toute une génération de cinéastes. C’est là , sans doute, la modeste réussite de ce quatrième volet des aventures de Trogi, de loin, le plus faible de tous.
1995 – Québec, 2024, 1h59 – Alors qu’il participe à la Course destination monde, Ricardo Trogi, 24 ans, vit divers déboires lors de son passage en Égypte – Avec: Jean-Carl Boucher, Shadi Janho, Youssef Nekmouch, Mickaël Gouin, Claudio Colangelo, – Scénario et Réalisation: Ricardo Trogi – Production: Sphère Média – Distribution: Immina Films
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