[Critique] Bestiaire: t’as d’beaux yeux, tu sais

Étrange objet de cinéma que ce Bestiaire, septième œuvre du cinéaste Denis Côté, réalisée sans budget durant quelques fins de semaines au Parc Safari

Bestiaire, Denis Côté

Le Bestiaire de Denis Côté : étrange, vous avez dit étrange?

Étrange objet de cinéma que ce Bestiaire, septième œuvre du cinéaste Denis Côté, réalisée durant quelques fins de semaines au Parc Safari de Hemmingford en Montérégie et financée en partie par studio de production et de diffusion en arts contemporains français. Après avoir été présenté en janvier et février dans quelques festivals, Bestiaire termine sa carrière par une courte présentation dans une ou deux sallesde la Province.

Regard de l’animal sur nous et de nous sur l’animal, Bestiaire questionne l’anormalité de la situation dans laquelle nous mettons les animaux (la cage, les barreaux, l’enfermement de l’animal hors de son milieu naturel), et, par le biais de quelques plans étonnants (le regard fixe des buffles est hallucinant, les autruches qui s’amusent à jouer à cache-cache avec la caméra) nous propose de réfléchir sur la relation que nous avons avec les animaux, derniers représentants d’un monde hors d’atteinte, libre et lointain, épris de liberté.

Si la proposition a de quoi dérouter (absence de trame narrative classique, de dialogues) elle est pourtant dans l’esprit du cinéaste «un film très simple et très naïf sur des interactions entre des humains et des animaux». Un peu comme si le spectateur devait retrouver son âme de gamin pour contempler ces animaux sauvages et les regarder autrement que par le biais des documentaires animaliers traditionnels ou des vidéos comiques qui foisonnent sur le net.

Loin d’être aussi simple et naïf que le prétendait son auteur dans les différentes entrevues accordées à l’occasion de la diffusion du film en ouverture des 30e Rendez-vous du cinéma québécois, Bestiaire parvient à quelques reprises à poser un regard plutôt amusé et amusant sur la place incongrue que l’homme accorde aux bêtes (le singe et sa peluche, les zèbres déambulant au milieu des files de voiture par exemple).

Toutefois, la proposition du film restant principalement axée sur une représentation plus artistique que concrète de son sujet (sons modelés, plans calculés de main de maître), Bestiaire reste un essai qui pourrait manquer de profondeur pour qui est féru de documentaires. À force de rester dans l’abstraction, Bestiaire finit par s’essouffler quelque peu et, hormis quelques représentations que nous occidentaux nous faisons de l’animal (peinture, empaillage, zoo), possède au final un propos obscur qui pourra dérouter. De plus, si les chassés-croisés et les regards des gardiens du parc sur les animaux apportent une note d’humour à l’entreprise, ils semblent un peu trop fabriqués pour être bien réels. Le film retrouve cependant un second souffle dès que le parc ouvre ses portes et que le contact entre le public et les animaux devient concret. Ces scènes finales orientent alors le film dans une voie plus documentaire beaucoup plus tangible.

En résumé

Aux frontières de la fiction, du documentaire et de l’essai artistique, Bestiaire, est un projet à part, indéfinissable et inclassable qui témoigne de la liberté de la démarche de son créateur, unique en son genre dans notre cinématographie. Si Bestiaire a le mérite de présenter un regard différent sur les animaux, ce projet bien particulier se cache derrière une fausse simplicité qui a de quoi laisser perplexe. Je préfère pour ma part le Côté de Curling ou des États nordiques.

Bestiaire – Québec, 2011, 1h14 – Dans un zoo, au fil des saisons, un étrange ballet s’établit entre les hommes et les bêtes – Scénario et Réalisation: Denis Côté – Production: Denis Côté ; Sylvain Corbeil – Distribution: FunFilm

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