[Critique] Félix et Meira : tendresse ordinaire

Allant plus loin que la romance qui unit un temps ses deux protagonistes, Giroux privilégie les ellipses et les silences pour faire de cette rencontre l’une des plus touchantes histoires d’amour produites au Québec, depuis Entre la mer et l’eau douce.

Hadas Yaron dans le film Félix et Meira (Metafilms, 2014)

Hadas Yaron dans le film Félix et Meira (Metafilms, 2014)

Solitude urbaine, déracinement, poids des traditions et des codes sociaux, on retrouve dans Félix et Meira les thèmes chers à Maxime Giroux. Même plongé dans une froideur hivernale palpable, cette troisième réalisation délaisse cependant la monotonie de la vie de banlieue qui marquait au fer rouge les deux premières propositions du cinéaste. Car c’est bien sur l’espoir d’une vie enfin libérée de l’emprise des codes moraux et religieux et sur l’irrépressible foi en l’autre que repose cette romance moderne, sans lendemain peut-être et presque trop banale. L’apparente simplicité du filmage et la sincérité du regard nous permettent de parfaitement apprivoiser la tendresse ordinaire de ces deux êtres emportés par leur désir de libération.

Mis en images par une direction photo tout en finesse et en sensualité signée Sara Mishara (dont on avait déjà apprécié l’approche dans Roméo Onze), les deux amants se côtoient en ayant consciemment – surtout de sa part à elle – l’impression d’aller à l’encontre de ce qui est permis. Elle est juive et coincée dans une vie étriquée, il est un peu artiste et sans attache. Mais au-delà de la transgression des codes et ne misant pas directement sur le discours politique (bien qu’il en soit indéniablement l’un des exemples les plus forts dans le cinéma québécois récent), Giroux baigne ces amours illégaux dans une épure stylistique et narrative propres à ce que l’on avait déjà constaté dans Jo pour Jonathan. Le film ne porte ainsi aucun des atours des romantiques ou passionnels traditionnellement réservés aux intrigues de ce genre. Giroux aborde la rencontre, la liaison cachée puis l’union charnelle avec une simplicité désarmante, sans pour autant sombrer dans la facilité, à preuve la scène finale, tout en ambigüité. Ici, les silences résonnent et les plans de mains qui se serrent, de caresses et de regards opposés ne transpirent rien d’autre que la lente beauté de l’apprivoisement.

Avec cette chronique de deux êtres déracinés, Maxime Giroux propose donc une délicate et sensible aventure humaine qui s’attarde à tisser des ponts entre des communautés distinctes qui s’ignorent. Ce n’est pas trop d’honneurs que de ranger Félix et Meira parmi la courte liste des plus belles histoires d’amour produites au Québec depuis Entre la mer et l’eau douce.

Félix et Meira – drame – Québec, 2014, 1h45 – un amour impossible entre une jeune femme juive hassidique mère de deux enfants et un québécois francophone solitaire – Avec: Martin Dubreuil, Hadas Yaron, Luzer Twersky – Scénario et réalisation: Maxime Giroux – Production: metafilms – Distribution: FunFilm

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