[Critique] Guibord et Souverain s’en-vont-en Outaouais

Satire sociale portée par des moments savoureux et subtils, Guibord s’en va-t-en guerre de Philippe Falardeau repose sur une merveilleuse idée scénaristique mais se complet aussi dans des gags faciles et peu originaux.

Guibord s'en va-t-en guerre, Souverain et la Reine (Image : Ronald.Plante)

Guibord s’en va-t-en guerre, Souverain et la Reine (Image : Ronald.Plante)

Philippe Falardeau n’est pas novice de matière de comédie satirique. Déjà en 2012, il avait tâté du genre en coscénarisant Au nom du fils, brulot anti-clergé réalisé par son ami belge Vincent Lanoo (qui, à son tour, a participé à l’élaboration de ce Guibord). Le scénario repose sur une idée aussi probable que farfelue. Un jeune haïtien idéaliste du nom de Souverain, vient faire un stage dans le comté de Steve Guibord, député fédéral indépendant isolé au fin fond du Québec. Un jeune noir et sa valise, son immense sourire au milieu d’un visage illuminé et, en face, dans des bureaux situés au dessus d’un magasin de lingerie coquine, l’incrédulité d’un  élu qui ne saisit pas bien ce qui se passe. En quelques plans à peine, l’émeu de Congorama a refait surface, offrant ainsi à Falardeau la meilleure des introductions possibles à son pamphlet social.

Élément porteur de l’intrigue, et on aurait aimé qu’il le soit encore plus, l’incongruité de cette rencontre participe à amplifier la satire sociale (image ci-dessus : Souverain sous le portrait de la reine… sans doute la scène la plus forte du film). Qu’un  jeune haïtien vienne donner une leçon de démocratie à un député canadien est hautement symbolique et force est de constater que Philippe Falardeau a su trouver un terrain de jeu idéal pour laisser aller son pamphlet. Mais malgré toute sa subtilité, la métaphore se retrouve noyée dans les gags qui ne paraissent pas aussi fins et qui manquent d’originalité. Même si l’on sourit ça et là, on est le plus souvent confrontés à des airs déjà connus tant Paul Doucet incarnant Stephen Harper semble tout droit sorti d’un énième sketch du Bye Bye annuel. On est brossé dans le bon sens du poil, mais on sent aussi de la retenue dans le désir d’aller explorer une réalité politique moins nettement tranchée.

En plus de ridiculiser un système politique aussi risible qu’absurde, Guibord s’en va-t-en guerre propose une chronique plus réaliste d’un brave élu empêtré dans les contraintes de son comté, incarné par un Patrick Huard que l’on a rarement vu aussi juste. Face aux problèmes avec les communautés autochtones, aux blocages de routes et à la grogne de ses concitoyens, Guibord trouve en Souverain un conseiller avisé qui devient vite indispensable. Onirique et fortement métaphorique, le film possède plusieurs moments savoureux, portés par Irdens Exantus, un jeune québécois d’origine haïtienne qui se révèle tout à fait savoureux. C’est d’ailleurs lui le sauveur du Canada qui au final, recevra les honneurs de la fanfare, faisant un joli pied de nez aux fanfarons d’Ottawa.

Guibord s’en va-t-en-guerre – Québec, 2015, 1h48 – Pour Steve Guibord, député fédéral indépendant de Prescott-Makadewà-Rapides-aux-Outardes, recevoir dans ses bureaux un jeune haïtien venu faire un stage en politique, la chose a de quoi surprendre… – Avec: Patrick Huard, Suzanne Clément, Pascal Irdens Exantus, Clémence Dufresne-Deslières – Scénario: et Réalisation: Philippe Falardeau – Production: Luc Déry, Kim McCraw – Distribution: Les Films Christal

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