Films du Québec

Loin de ses bases et des univers contemporains dans lesquels elle a l’habitude d’évoluer, Mariloup Wolfe signe avec Jouliks un drame historique de belle facture, beaucoup plus probant que les soubresauts émotifs de ses sauteurs en parachute portés à l’écran il y a dix ans (Les pieds dans le vide). Ce second long métrage de la réalisatrice de repose sur le scénario de la comédienne, auteure et metteure en scène Marie-Christine Lê-Huu, qui aborde ici plusieurs sujets universels qui l’ont habitée dès l’enfance.

Prônant la différence culturelle, la vie en dehors des schémas traditionnels et la communion avec la nature, le scénario s’incarne à travers le destin tragique d’une famille québécoise atypique et décriée vivant en marge de ses semblables. Il y a quelques pistes de réflexion intéressantes, celle de l’école obligatoire en particulier, mais elles sont éclipsées par le récit de Yanna (la petite Lilou Roy-Lanouette s’en sort avec les plus grands honneurs), relatant les faits après coup. À la fois drôle et sombre, sa narration hors champ n’est jamais envahissante et garde le récit dans un univers onirique presque irréel, assez loin du mélodrame larmoyant.

Dans Jouliks, l’ode à la liberté trouve écho principalement dans ses portraits de personnages tiraillés, à l’origine des quelques moments forts du récit. Notamment lorsque leurs zones d’ombres viennent entrechoquer les réalités de la société conventionnelle, représentée par l’arrivée des grands-parents de la fillette. Le père (efficace Victor Andrés Trelles-Turgeon) est un homme mystérieux qui refuse de faire suivre à sa famille un chemin normalisé. Cependant, dans le but de renforcer son statut d’étranger, on a ajouté quelques scènes rappelant ses origines roms, mais qui ne s’avèrent finalement peu nécessaires. Mieux dessinée, la mère (lumineuse Jeanne Roux-Côté) est une personne complexe et incertaine, coincée entre désir d’être libre et la volonté de plaire à sa mère acariâtre.

Au chapitre de la réalisation, notons les amples mouvements de caméra de Jonathan Decoste et des plans fixes souvent à hauteur d’enfant. La réussite esthétique de l’ensemble est renforcée par une direction artistique experte, misant tout sur la patine des accessoires et la recréation habile de ses décors vieillots. Cela dit, si l’ensemble ne manque pas de charme, de grâce même, il apparaît un peu trop expliqué et surtout, un peu trop lisse. On ne sent pas toujours la misère et la crasse, et la chimie entre les comédiens semble ne pas opérer toujours. Sans parler du rebondissement final qui nous a paru excessif et peu en lien avec ce qui nous avait été présenté auparavant. En dépit de ce manque d’aspérités et de tension, reconnaissons que Jouliks est un bel objet de cinéma populaire qui ne devrait pas avoir de difficultés à trouver le succès.