Le dep déborde de sincérité dans sa volonté de mettre en lumière les problèmes sociaux vécus par les communautés autochtones. Alcool, drogue, destruction de la cellule familiale, les maux ne sont hélas pas rares dans cette petite communauté amérindienne. Le risque de sombrer dans le moralisme ou la surdramatisation était grand. Force est de constater que pour une première œuvre, la cinéaste s’en tire avec originalité en abordant son sujet à l’aide d’une structure narrative généralement dévolue au thriller, et non celle du drame psychologique ou de la chronique sociale.
Même avec cette approche, le côté documentaire n’en est pas moins absent et sert à façonner des personnages au lourd passé, qui, chacun à sa manière, essayent de mettre de côté les drames qui les accablent. Par leur abnégation et leur courage, Lydia et son père Serge représentent l’espoir d’une communauté et incarnent une certaine forme de réussite, à tout le moins une fierté de s’en être sorti. Face à eux, une figure d’échec, celle de PA, frère de Lydia, pour qui l’enfer se conjugue encore au présent. Dans ce personnage sans contredit le plus étudié des trois, soulignons la performance de Charles Buckell-Robertson qui, pour un premier rôle d’envergure, parvient de belle manière à faire ressentir le désarroi de sa situation.
Outre sa distribution efficace, même si l’on relève quelques inégalités, Le dep peut mettre à son crédit un scénario adroit qui parvient à faire monter progressivement la tension, partant d’un fait divers plutôt banal pour se conclure en un drame familial intense parsemé de quelques scènes touchantes (notamment celle, très belle, du rapprochement frère / sœur filmés à la seule lumière des néons du frigo). La sensation de claustrophobie qui se dégage du film doit beaucoup a une judicieuse utilisation des espaces. Bureau, remise, chambre froide, cour arrière… autant d’issues possibles à ce hui clos labyrinthique, autant de d’échappatoires avortées qui jalonnent irrémédiablement notre parcours vers la confrontation.
Si l’envie de dénoncer est bien là , et que l’on ressent la volonté de l’auteure de proposer des alternatives à la dépression ambiante, la mise en application du propos ne convainc cependant qu’en partie. Le risque du film « à message » est d’appuyer trop sur le discours. Sonia Bonspille Boileau n’échappe pas à ce travers. À l’instar de dialogues un peu trop écrits, un flashback superflu, ou une trame sonore anxiogène un peu trop insistante, qui aurait mérité de laisser sa place à quelques reprises pour privilégier les silences de l’incompréhension et du désarroi.
Toutefois, il faut aller voir ce premier film prometteur réalisé avec quatre sous et qui a eu le toupet d’aller à l’autre bout de l’Europe pour sortir au grand jour dans un festival de renommée internationale. Avec son cœur gros comme ça et sa surprenante originalité, Le dep mérite largement le détour.
Le dep – Québec, 2015, 1h19 – par un soir d’hiver, une jeune femme qui tient le dépannneur de son père se fait braquer par un homme armé qu’elle reconnaît immédiatement. Une confrontation s’ensuit – Avec: Eve Ringuette, Charles Buckell-Robertson, Marco Collin – Scénario: et Réalisation: Sonia Bonspille Boileau – Production: Jason Brennan – Distribution: K-Films Amérique
Ma note:Â
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