Mars et Avril tire son charme de ses teintes sépia et de sa parfaite direction artistique (signée Bruno Schuiten) qui met en valeur de belle manière ses lieux et ses gadgets, et même ses quelques relents de carton-pâte. L’univers visuel très travaillé concocté par Martin Villeneuve et son équipe n’est pas sans rappeler les réalisations de Jeunet et Caro, les BD de Bilal ou de Moebius, dans ses personnages colorés et ses décors à la fois futuristes mais aussi très rétro-kitsch.
Les amateurs du genre BD ne devraient donc pas être déçus de ces coiffures alambiquées, de ces rues sombres et embuées et de ces résidences urbaines façon container alignées en rangée dans un Montréal nocturne et bouillonnant. Ce n’est pas pour autant évident que le film de Villeneuve parvienne à rejoindre son public.
Le scénario – car au-delà de l’image il en faut bien un – est le point faible du film. Certes le futur de Villeneuve a quelque chose de charmant dans ce qu’il a de radicalement différent des productions de science-fiction traditionnelles. La conquête de l’espace est bel et bien l’un des aspects central du film; elle ne sert toutefois pas un besoin vital (fuir une planète surpeuplée ou invivable), mais une volonté d’élévation de l’âme humaine et de tentative d’approfondissement de la connaissance sur les théories de la musicalité de l’espace.
La science-fiction de Villeneuve n’est pas ordinaire. Elle met en avant une technologie plus humaine, non destinée à servir un objectif belliqueux ou guerrier, mais principalement destinée à servir le bien-être des habitants ou son information. L’amour, la joie de vivre et la culture sont au cÅ“ur de la vie urbaine où l’on retrouve des bars bondés, des tripeux de musique, et des arts visuels destinés à mieux comprendre l’âme humaine. Le corps et l’âme se rejoignent pour ne faire qu’un et la cosmologie devient le théâtre de joutes oratoires.
Pour imaginer le futur des relations humaines, Villeneuve se raccroche à la passion et au don de soi. Au centre de ce monde idyllique, une intrigue amoureuse dans laquelle deux personnes radicalement opposées en apparence (un musicien septuagénaire adulé et une jolie photographe tout juste trentenaire) mais dont les conditions physiques se complémentent parfaitement. Le triangle amoureux est complété par le jeune collègue de l’amant, lui aussi amoureux de la photographe… Et c’est hélas à ce moment-là que l’on décroche.
Car si l’on excuse la légèreté et l’improbabilité de la bluette, si l’on pardonne l’absence de rapports de force et de tension entre les protagonistes du triangle (on est dans un monde où tout est beau, rappelons-le), on regrette toutefois que ce conte de fée vieux comme le monde ne puise sa consistance qu’à travers des théories absconses ou insuffisamment vulgarisées. Les monologues de l’hologrammique Robert Lepage (on retrouve une référence indirecte avec La face cachée de la lune) restent essentiellement sur le terrain du conceptuel, ce qui rend le sujet confus, distant, pour ne pas dire rébarbatif. De plus, il y a fort à parier que cette histoire au demeurant fort simple soit perturbée par les innombrables effets visuels qui noient immanquablement le propos.
En résumé
Mars et Avril est et restera longtemps un film atypique dans la cinématographie québécoise. Produit avec un budget à faire hurler de rire n’importe quel producteur chez nos voisins du sud, Mars et Avril propose néanmoins un univers visuel de belle facture, supporté en-cela par des décors, des costumes et des effets visuels qui méritent le détour.
Ma note:Â