Le temps filant si vite, je me rends compte que Le meilleur pays du monde de Ky-Nam Le Duc, sorti le 3 septembre dernier, a déjà disparu de l’affiche. Je vous suggère donc lorsque vous en aurez l’occasion d’attraper au vol ce film québécois intéressant proposé un jeune réalisateur, qui, comme quelques-uns de ses collègues (Rankin, Chevigny, notamment), à choisi la voie politique pour parler du milieu dans lequel il vit.
Le Duc aborde de front plusieurs sujets importants et délicats qui ne trouvent pas souvent écho dans notre cinéma. Il a campé son histoire dans un futur proche pour livrer un portrait assez sombre, néanmoins très juste, d’une société repliée sur elle-même qui rechigne de plus en plus à s’ouvrir aux nouveaux arrivants. Bien sûr, le scénariste-réalisateur s’appuie sur des travers tout à fait contemporains largement relatés dans les unes de journaux. Car n’en déplaise à certains, le racisme existe bel et bien au Québec, l’intolérance aussi.
Le meilleur pays du monde peut se voir comme un regard désabusé sur une terre d’accueil qui ne tient pas toujours ses promesses et qui pousse parfois certains immigrants – légaux, ceux-là – à retourner dans leur contrée d’origine. Le Duc balance la noirceur de son intrigue en ajoutant une dimension humaine touchante à son message. De fait, en suivant les pas d’un Québécois soudainement responsable d’un enfant haïtien que sa mère a abandonné en espérant qu’il trouvera un avenir plus serein que celui qu’elle pourra lui donner, le cinéaste appelle à retour à l’entraide, la solidarité et l’empathie. La mise en opposition entre ces valeurs humanistes et l’illustration de l’étroitesse d’esprit d’une frange de la population (alimentée par les commentaires disgracieux des médias populistes) peut paraître un peu manichéenne, mais elle a l’avantage de renforcer le discours, aussi éloquent qu’audacieux.
Ce deuxième long métrage m’a semblé plus abouti que le premier essai abscons et hermétique qu’était Oscillations. Entre autres satisfactions, notons une belle utilisation des décors urbains et des rigueurs hivernales, une caméra sensible et des personnages crédibles. Le meilleur pays du monde n’est toutefois pas exempt de petits travers, notamment dans un récit un peu dispersé et trop lent à s’installer, de sorte que l’on perd parfois le fil. La seconde moitié, plus tendue, plus nerveuse et, surtout, mieux construite, lui redonne un nouveau souffle.
En somme, Ky Nam Le Duc confirme les espoirs placés en lui. Modestement, sans esbroufe ni effets de manche, il apporte une tuile très pertinente à la construction du grand puzzle de l’imaginaire québécois. Si son film donne à réfléchir, il offre également une convaincante chronique sur la solidarité, personnifiée avec aplomb et nuances par Mickaël Gouin et Nguyen Thanh Tri et plusieurs rôles secondaires adroitement développés.
Le meilleur pays du monde – Québec, 2020, 1h51 – À Montréal en plein hiver, tout juste après avoir perdu sa copine vietnamienne repartie au pays, un chômeur se retrouve malgré lui en charge d’un enfant haïtien abandonné par sa mère – Avec: Mickaël Gouin, Nguyen Thanh Tri, Stanley Junior Jean-Baptiste – Scénario: Ky Nam Le Duc – Réalisation: Ky Nam Le Duc – Production: Les films de l’Autre – Distribution: FunFilm Distribution
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