[Critique] Menteur : sautes d’humour

Deux ou trois passages loufoques débridés ressortent de cette comédie en demi-teintes qui n’arrive pas à faire oublier l’originalité et l’efficacité des De père en flic.

Louis-José Houde et Antoine Bertrand dans Menteur d'Émile Gaudreault (Antoine Bertrand met la main sur la bouche de Louis-José Houde)
Louis-José Houde et Antoine Bertrand dans Menteur d’Émile Gaudreault

Plus convaincant que Le sens de l’humour et Le vrai du faux, mais un cran en deca des De père en flic, Menteur est une comédie en demi-teintes avançant par à-coups au gré de nombreuses ruptures de tons, de « one-liners », de clins d’œil référentiels, et de saynètes plus ou moins interdépendantes. En somme, rien de bien nouveau sous le soleil de la comédie québécoise. Éric K. Boulianne, auteur du récent Avant qu’on explose, agit ici à titre de coscénariste au côté d’Émile Gaudreault et Sébastien Ravary. Pas si étonnant donc de retrouver quelques caractéristiques déjà exposées dans la comédie pour ados sortie au cours de l’hiver. À savoir, une ouverture tibétaine à saveur de mystère, une tendre romance entre deux êtres qui se cherchent, un fonds social réaliste marqué par des tensions politiques internationales charriant des airs de fin du monde.

La modeste réussite de l’ensemble, si tant est qu’il y en ait une, repose essentiellement sur ses très rares séquences burlesques. À deux ou trois reprises, on prend un réel plaisir à se laisser porter par l’exubérance et la perte de contrôle assumée des auteurs. Dynamique et tordant, le sketch de la visite des russes dans un bureau en proie à la folie, avec une Geneviève Schmidt lâchée lousse, est vraiment l’un des temps forts du film, et peut-être même l’un des meilleurs moments de la comédie québécoise récente. Dans le genre comédie loufoque, le souper en famille se démarque aussi et s’avère très réussi. Une belle occasion de voire Véronique Le Flaguais et Luc Senay, hilarants en parents version haïssable, dans un registre peu habituel.

Dommage que ces dérapages soient quasiment les seuls temps forts d’un film somme toute très inégal, où les creux et les temps morts sont nombreux. Des gags tombent complètement à plat, comme l’attaque au taille-haies, ou le revirement style guerre froide tiré par cheveux, bâclé comme l’était celui d’Avant qu’on explose d’ailleurs. Dans ses aspects les plus traditionnels, le scénario ne fait pas toujours mouche non plus. Le regard porté sur le système économique n’amène pas grand-chose de neuf, la pique lancée aux politiciens à la langue de bois est plus que convenue, tandis que les réflexions plus intimes entourant la solidarité familiale, la loyauté ou l’honnêteté n’ont rien de bien folichon. À l’image des effets spéciaux qui m’ont paru – étonnement – assez peu convaincants. Autour de Louis-José Houde en retrait par rapport à ses prestations dans les De père en flic, et d’Antoine Bertrand, égal à lui-même, soulignons la performance de Catherine Chabot dans un rôle de trentenaire en phase de reconstruction qui n’est pas sans rappeler celui que tenait Emmanuelle Lussier-Martinez dans Les mauvaises herbes.

Menteur – Québec, 2019, 1h51 – une cadre d’entreprise qui a passé sa vie à mentir à tout le monde doit un beau jour faire face aux réalités parallèles qu’il avaient inventées de toute pièce – Avec: Louis-José Houde, Antoine Bertrand, Catherine Chabot, Anne-Élizabeth Bossé – Réalisation: Émile Gaudreault – Production: Cinémaginaire – Distribution: Les Films Séville

Ma note: 

Les notes :

★★★★★ Excellent
★★★★ Très bon
★★★ Bon
★★ Moyen
Mauvais

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