Avec ce deuxième long métrage de fiction, Pascal Plante offre une rare incursion dans les coulisses d’un événement principalement médiatisé par le biais des exploits de ses vedettes. Il illustre ainsi une facette peu glamour du sportif de haut niveau, et déconstruit l’image de machine à médailles que l’on a l’habitude de voir à la télévision. Plus maîtrisé et plus ambitieux que Les faux tatouages, Nadia, Butterfly commence par une première partie intense qui met bien en valeur les plans aquatiques, le traitement sonore et le montage rythmé, lors d’une course haletante, filmée en temps réel du point de vue de la protagoniste. Faisant preuve d’une grande précision (la recréation des JO de Tokyo est remarquable en regard au modeste budget alloué aux effets visuels) ce premier volet aux accents véristes repose en grande partie sur le passé de compétiteur de Plante et sur ses interprètes féminines, crédibles de bout en bout.
À peine passé le premier quart, un net changement de tonalité s’opère, marquant la mutation d’une championne sous pression en une personne ‘normale’, avec ses failles, ses contradictions et ses errances. Ce second chapitre éthéré et atmosphérique, suit pas à pas les pérégrinations des deux coéquipières, profitant des quelques instants de liberté qui restent avant de rentrer au Canada. On découvre alors à quel point Nadia, qui a vécu jusque-là une vie astreignante et solitaire, semble déconnectée de la réalité. Avec Marie-Pierre, elle se lance une gageure et se permet toutes sortes de folies après avoir évacué le ‘high’ de la course. C’est la fin d’une époque, le début d’une autre. L’incertitude prend toute la place. Plante sait de quoi il parle, cela se voit et se ressent à l’écran. Ses passages de relative tranquillité sont empreints de délicatesse, comme en témoignent les mains caressant doucement la tente d’habillage dans laquelle Nadia craque pour la première fois, ou à ces touchantes confidences des deux copines sur la plage au petit matin.
Dommage cependant que les motivations de Nadia restent aussi floues, voire incompréhensibles, et que les défis de la retraite sportive – montrés ici comme une forme d’abandon sans doute plus vertigineux encore que celui exigé par la compétition – demeurent au stade de l’ébauche. Les dialogues limités au strict minimum n’aident pas la cause, tout comme l’absence de force motrice du personnage de Marie-Pierre, trop peu approfondi. En outre, le récit a tendance à s’égarer dans des développements longuets et banals (la scène de la boîte de nuit), d’où peine à émerger une évidente volonté de dramatisation opérée par l’insertion de quelques confrontations tendues avec le coach ou le reste de l’équipe. L’empathie envers cette jeune femme butée a du mal à voir le jour. Ceci étant dit, malgré ses failles scénaristiques, Nadia, Butterfly est à un voyage initiatique à la fois original et gracieux, qui illustre un bel exemple d’amitié et de solidarité féminine, portées par la complicité et le naturel des nageuses professionnelles Katerine Savard et Ariane Mainville.
Nadia, Butterfly – Québec, 2020, 1h47 – À seulement 23 ans, une athlète de l’équipe de natation canadienne vit à Tokyo les derniers moments de sa carrière sportive – Avec: Katerine Savard, Ariane Mainville, Pierre-Yves Cardinal – Scénario: Pascal Plante – Réalisation: Pascal Plante – Production: Dominique Dussault – Distribution: Maison 4:3
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